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Jean 9
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Et comme Jésus passait, il vit un homme aveugle de naissance.

La guérison de l’aveugle-né, dernière phase du conflit (chapitres 9 et 10)

Versets 1 à 41 — L’aveugle-né guéri

Si les mots qui, dans le texte reçu, terminent le Jean 8 Et ainsi il s’en alla (grec il passa), étaient authentiques, le commencement de Jean 9 Et comme il passait, ou en passant, se rattacherait immédiatement à la scène violente qui marqua la sortie de Jésus du temple (Jean 8.59).

Mais dans ce cas il serait invraisemblable que les disciples eussent si tôt recouvré le calme que suppose leur question (verset 2). Rien n’oblige, dans le texte authentique, à rapprocher autant les deux faits.

C’est plus loin, dans les rues de Jérusalem, peut-être au soir de cette journée (verset 4), ou d’une journée qui suivit que s’offrit aux regards de Jésus cet objet digne de toute sa compassion : un homme aveugle de naissance, qui avait toujours vécu dans les ténèbres et n’avait jamais vu ni les beautés de cet univers, ni les traits de ceux qu’il aimait. En outre, il était indigent et réduit à mendier son pain (verset 8). Aussi excita-t-il la pitié du Sauveur.

Jésus le vit et ce malheureux lui fournit l’occasion de l’un de ses plus grands miracles, en même temps que d’une instruction profonde pour ses disciples.

2 Et ses disciples l’interrogèrent, disant : Rabbi, qui a péché, celui-ci ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ?

Les disciples, voyant que Jésus arrêtait ses regards sur ce malheureux, lui adressent une question qui suppose dans leur esprit, à la fois une vérité profonde et une dangereuse erreur.

La vérité, c’est que tout mal dans ce monde, toute souffrance de notre humanité provient du péché et ne saurait, sans blasphème, être attribuée à Dieu (Genèse 3.1 ; Romains 5.12).

L’erreur, qui était générale parmi les Juifs, consistait à penser que toute souffrance personnelle est le châtiment de péchés personnels. Cette idée rendait injustes les amis de Job : les terribles épreuves de cet homme intègre leur paraissaient le signe irrécusable de graves transgressions, dont il s’était rendu coupable à l’insu de tous (comparer Luc 13.1, 2e note).

Avec une semblable pensée dans l’esprit, les disciples ne conçoivent d’autre alternative que celle-ci : ou l’épreuve de l’aveugle avait pour cause les péchés de ses parents, par une solidarité qu’ils pouvaient fonder sur Exode 20.5 et sur l’expérience, qui nous montre bien souvent des enfants héritant des auteurs de leurs jours des maux divers, ou bien cet homme souffrait la peine de ses propres péchés.

Mais comment cela était-il possible, puisqu’il était né aveugle ?

Ici bien des exégètes prêtent aux disciples diverses spéculations dont ils étaient, pensons-nous, innocents.

Les uns leur attribuent l’idée qu’il est possible à un enfant de pécher dès le sein de sa mère (selon l’explication que les rabbins donnaient de Genèse 25.22, mais contrairement à l’affirmation de Paul, Romains 9.11) ; d’autres pensent que leur question est inspirée par la croyance à la métempsycose, ou par l’idée platonicienne de la préexistence des âmes, qui pourraient souffrir dans cette vie la peine de péchés commis dans une existence précédente ; d’autres encore s’arrêtent à l’idée d’une participation de l’enfant au péché originel dès avant sa naissance (Psaumes 51.7).

Tout cela est sans fondement dans le texte. Les disciples se trouvent en présence d’une alternative dont le premier terme est une simple impossibilité, tandis que le second terme suppose un fait possible, mais qui froisse leur sentiment de la justice. Ils demandent à leur Maître de leur expliquer cette difficulté. Ils ne seront pas déçus dans leur attente.

3 Jésus répondit : Ni lui ni ses parents n’ont péché, mais c’est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui.

Jésus ne nie point les péchés de l’aveugle ou ceux de ses parents, mais il conteste que son infirmité soit le châtiment spécial de leurs fautes personnelles. Puis, il élève les pensées de ses disciples vers la miséricorde infinie de Dieu qui sait transformer un mal temporel en un bien éternel. Cette action salutaire de la providence divine, dont il se sait l’organe particulier (verset 5), est ce que Jésus appelle les œuvres de Dieu, ces œuvres de sa grâce que Jésus accomplissait alors dans toute sa vie (comparer Jean 9.4 ; Jean 5.36 ; Jean 10.25).

Il allait opérer une telle œuvre sur le corps et sur l’âme de l’aveugle Ce dernier était né aveugle afin que les œuvres divines fussent manifestées en lui.

Il fut en effet, par son infirmité même, mis en rapport avec Jésus et amené à la foi et à la vie éternelle (verset 38).

Ces paroles de Jésus nous révèlent la vraie théodicée et sont la seule solution du problème que soulèvent les souffrances de notre humanité (comparer Jean 11.4).

À la vue de ceux qui souffrent, gardons-nous de jugements faux et injustes, mais souvenons-nous plutôt de paroles telles que celle-ci : « Le Seigneur châtie celui qu’il aime et il frappe de ses verges tous ceux qu’il reconnaît pour ses enfants » (Hébreux 12.6). À ce point de vue nous apparaissent dans leur pleine harmonie, la justice et la miséricorde de Dieu.

4 Il me faut faire les œuvres de Celui qui m’a envoyé, pendant qu’il est jour ; la nuit vient, où personne ne peut travailler.

Pour Jésus, comme pour les siens il n’y a qu’un temps déterminé où ils puissent travailler et faire les œuvres de Dieu : c’est le temps de la vie présente.

En effet, ces mots : pendant qu’il fait jour, sont clairement expliqués par ceux-ci : pendant que je suis dans le monde (verset 5).

Le jour, pendant lequel on travaille, est donc celui de notre vie ; la nuit, c’est la mort.

Jésus fait ainsi allusion à sa fin prochaine et montre, dans son infatigable activité, l’exemple que doivent imiter les siens.

On pourrait objecter que, pour Jésus, cette activité ne cessa point avec sa mort, puisque c’est du sein de sa gloire qu’il a fait les plus grandes œuvres et fondé le royaume de Dieu sur la terre. Cela est vrai, mais il est vrai aussi que le temps déterminé de sa vie terrestre était celui où il devait accomplir son œuvre spéciale et sauver le monde par ses souffrances et sa mort. Après cela ce sera par l’Esprit de Dieu et par le ministère de ses témoins que Jésus poursuivra son œuvre.

Au reste, cette objection tomberait s’il fallait, avec Tischendorf, admettre la leçon du Codex Sinaiticus : Il nous faut… de Celui qui nous a envoyés ou celle de B, D, que préfèrent la plupart des critiques : Il nous faut… de Celui qui m’a envoyé ; car de cette manière, Jésus comprendrait tous ses disciples dans cette sérieuse déclaration, que nul ne peut travailler durant la nuit.

Au fond, c’est bien la pensée du Sauveur, même dans les termes du texte reçu et celui-ci a pour lui l’autorité de la plupart des majuscules et celle des anciennes versions.

5 Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.

Grec : Quand je suis…

Cette conjonction fait ressortir le caractère transitoire de l’activité de Jésus ici-bas. Jésus confirme et explique sa déclaration précédente. Il fait véritablement les œuvres de Dieu, parce qu’il est la lumière du monde.

Cette grande parole, qui serait d’un insensé, si elle n’était du Fils de Dieu, il l’a répétée plus d’une fois (Jean 8.12 ; Jean 12.35) ; mais ici, il la prononce avec un à-propos particulier au moment où il va communiquer à cet aveugle la lumière du corps et celle de l’âme. Et, dans ce qu’il vient de dire, n’a-t-il pas déjà fait resplendir la lumière sur les douloureux mystères de notre vie (verset 3) et sur l’emploi du temps qui nous est donné ici-bas ? (verset 4).

6 Ayant dit cela, il cracha à terre et fit de la boue avec sa salive, et il appliqua cette boue sur les yeux de l’aveugle.

D’ordinaire le Seigneur guérit les malades simplement par sa parole créatrice. Dans certains cas, assez rares, il emploie des moyens extérieurs (Matthieu 8.3 ; Marc 7.33 ; Marc 8.23).

Ici, il fait avec sa salive une boue qu’il (grec) mit comme un onguent sur les yeux de l’aveugle.

Pourquoi ? Nous ne le savons pas. Toutes les explications qu’on a données de ce procédé se réduisent à des conjectures. Jésus, qui ne faisait rien d’inutile, rien qui fût une simple apparence, jugeait sans doute ces moyens nécessaires à l’accomplissement de la guérison.

Le miracle n’en restait pas moins un acte surnaturel de sa puissance divine.

Qu’ensuite on suppose qu’il voulût par ce traitement spécial se mettre dans un rapport personnel avec le malade, lui inspirer de la confiance, éveiller et, en même temps, éprouver sa foi, rien de plus naturel et c’est ce qu’admettent la plupart des interprètes.

Aller plus loin, dire que Jésus, en ajoutant à la cécité naturelle de l’aveugle une cécité artificielle, produite par l’enduit de boue, voulait enseigner au malade que pour recouvrer la vue, il fallait commencer par devenir plus complètement aveugle, pour s’abandonner entièrement à la puissance du Sauveur, cela nous paraît un peu cherché.

7 Et il lui dit : Va, lave-toi au réservoir de Siloé (ce qui signifie Envoyé). Il s’en alla donc, et se lava, et revint voyant.

Ordonner à l’aveugle d’aller se laver au réservoir de Siloé, c’était encore exercer sa foi, tout en accomplissant le miracle de sa guérison (comparer 2 Rois 5.10-14).

La source de Siloé avait joué un rôle dans les cérémonies de ces jours de fête (Jean 7.37, 2e note).

Le pied du mont de Morijah, vis-à-vis de Siloé, est couvert de Jardins potagers disposés en terrasses où sont plantés des grenadiers et où l’on cultive des artichauts et d’autres légumes. Ce sont les anciens jardins du Roi, ils ont la verdure la plus fraîche que j’aie encore vue en Palestine. Ils la doivent à l’eau du réservoir de Siloé qui est au-dessus et au moyen duquel on les irrigue. La source proprement dite est un peu plus haut dans la vallée ; on l’appelle aujourd’hui fontaine de la Vierge Elle communique par un conduit souterrain avec la fontaine de Siloé. Celle-ci coule doucement (Ésaïe 8.6) dans une grotte située à l’extrémité du Tyropéon et où l’on descend par des degrés ; devant la grotte est le réservoir où Jésus envoya l’aveugle-né. Nous y trouvons une femme occupée à puiser de l’eau. J’ai goûté de cette eau qui ne m’a pas paru très froide et à laquelle je n’ai pas trouvé le petit goût salé que lui attribuent plusieurs voyageurs.
— Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, page 261

Jusqu’ici tout est simple dans ce récit. Mais l’évangéliste a trouvé bon de traduire le nom de Siloé (hébreu Schélach ou Schiloach, Néhémie 3.15 ; Ésaïe 8.6), auquel évidemment il attachait de l’importance à cause de sa signification d’Envoyé.

Or, plus d’un commentateur n’a trouvé là qu’un jeu de mots peu digne de l’apôtre : celui-ci rapprocherait le nom d’Envoyé du fait que l’aveugle lui-même était envoyé à ce réservoir par Jésus. Lücke suppose que la parenthèse est une interpolation.

Pour retrouver la vraie pensée de l’évangéliste, il suffit de se rappeler, avec M. Bovet, que « cette double fontaine de Siloé, jaillissant du rocher même sur lequel s’élevait la maison de Dieu, était, pour les Israélites, un symbole de vie spirituelle et qu’il y est fait souvent allusion dans l’Écriture » (Ézéchiel 47).

Cette source bénie était donc à un double titre un don de Dieu. Le nom qu’elle avait reçu comme telle : Envoyé, était précisément le terme par lequel, dans notre évangile, Jésus caractérise sa mission divine (Jean 3.17 ; Jean 5.36 ; Jean 6.29 ; Jean 10.36 ; Jean 17.3 ; Jean 17.8 ; Jean 17.21, etc.).

N’était-il pas naturel dès lors d’établir un rapprochement entre la source qui portait ce nom prophétique et Celui qui offrait à toutes les âmes altérées des eaux vives et qui se désignait sans cesse lui-même par ce même nom ?

Peut-être l’aveugle avait-il été conduit à la source par quelqu’un qui lui rendait, pour la dernière fois, ce service mais il revint voyant. Et avec quelle joie ! Il revint, non pas immédiatement vers Jésus qu’il ne connaissait pas, mais vers les siens (versets 8 et 18).

8 Les voisins donc et ceux qui auparavant voyaient qu’il était mendiant, disaient : N’est-ce pas là celui qui se tenait assis et qui mendiait ? 9 Les uns disaient : C’est lui. D’autres disaient : Non, mais il lui ressemble. Lui-même disait : C’est moi.

Le résultat du miracle est que les voisins de l’aveugle guéri discutent l’identité de sa personne et diffèrent d’opinion à son égard. Leur hésitation se conçoit d’autant mieux que la physionomie de cet homme devait paraître tout autre depuis que ses yeux s’étaient ouverts et rayonnaient de joie. Cette première scène est décrite d’une manière vive et dramatique.

Au verset 8, le texte reçu porte : aveugle au lieu de mendiant. Au verset 9, le texte reçu porte seulement : « Il lui ressemble » (grec semblable).

La leçon de Codex Sinaiticus, B, C, versions : « Non, mais il lui ressemble », implique une négation plus prononcée de l’identité.

10 Ils lui disaient donc : Comment donc tes yeux ont-ils été ouverts ? 11 Il répondit : L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, et l’a appliquée sur mes yeux, et m’a dit : Va à Siloé, et lave-toi. J’y suis donc allé, et me suis lavé, et j’ai recouvré la vue.

On lui demande comment il a été guéri. C’est là une question à laquelle nul homme n’aurait pu répondre, car le comment d’un miracle est toujours un mystère.

Mais ce qu’il a éprouvé, son expérience, c’est là ce que l’aveugle guéri raconte avec autant de précision que de simplicité et de vérité.

12 Ils lui dirent : Où est cet homme ? Il dit : Je ne sais.

Comme l’aveugle n’avait pas pu voir Jésus avant sa guérison et qu’immédiatement après il était retourné chez lui, il ne pouvait réellement pas savoir où était son libérateur.

L’évangéliste nous décrit d’une manière admirable les développements progressifs de la lumière intérieure dans cet homme qui venait de voir pour la première fois, la lumière du jour.

D’abord il ne connaît que l’expérience qu’il a faite de la puissance et de l’amour de Jésus (verset 11), il arrive ensuite à la conviction que son libérateur est un prophète, un envoyé de Dieu (verset 17) ; puis il affirme courageusement cette conviction devant les ennemis du Sauveur (versets 27-33) ; enfin, en présence et par la parole de Jésus, il parvient à une pleine foi en lui (verset 38).

13 Ils mènent vers les pharisiens celui qui avait été aveugle. 14 Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue, et lui avait ouvert les yeux.

Qui sont ceux qui mènent cet homme vers les pharisiens ?

Évidemment quelques-uns de ces voisins dont il vient d’être fait mention (verset 8), plus particulièrement ceux qui avaient exprimé leurs doutes (verset 9).

L’évangéliste remarque incidemment que la guérison avait eu lieu un jour de sabbat. Cette circonstance augmentait leur incertitude. Les pharisiens seuls, pensent-ils, pouvaient porter un jugement sur la valeur légale de cette action, eux-mêmes ne se permettent pas de l’apprécier. Il y a donc, dans leurs motifs, plus d’ignorance et de servilité que d’inimitié contre Jésus.

Mais qui étaient ces pharisiens que l’on constitue juges du Sauveur ? Était-ce le sanhédrin en séance, malgré le sabbat, ou une délégation de ce corps, ou bien les pharisiens, à Jérusalem, avaient-ils une organisation propre, avec une sorte de tribunal permanent ?

Les interprètes diffèrent sur ce point. Ce qu’il importe de remarquer, c’est que ceux qui sont ainsi désignés agissent comme des hommes officiels et s’attribuent l’autorité de chefs du peuple.

15 Les pharisiens aussi lui demandaient donc, à leur tour, comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit : Il m’a mis de la boue sur les yeux, et je me suis lavé, et je vois.

Ils lui demandèrent à leur tour (grec de nouveau), parce qu’ils ne font que répéter la question du verset 10.

Le comment se rapporte à ce que Jésus avait fait, il leur importait de savoir s’il y avait là de quoi fonder l’accusation d’une violation du sabbat (verset 16).

Quelle précision et quelle vérité dans la réponse de l’aveugle guéri ! Trois mots lui suffisent.

16 Quelques-uns d’entre les pharisiens disaient donc : Cet homme ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le sabbat. D’autres disaient : Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? Et il y eut division entre eux.

Ces quelques-uns, d’entre les plus mal intentionnés, ne nient pas encore le miracle (verset 18) ; mais ils en concluent que celui qui l’a opéré ne peut pas être un Envoyé de Dieu, parce qu’à leurs yeux son action était une violation du sabbat.

D’autres, plus éclairés, mieux disposés, concluent, comme Nicodème (Jean 3.2), que de tels miracles ne peuvent pas être l’œuvre d’un homme pécheur, c’est-à-dire, d’un transgresseur de la loi divine. Ils se refusent donc à admettre qu’il y ait eu violation du sabbat.

C’est ainsi qu’il y avait division entre eux.

17 Ils disent donc encore à l’aveugle : Toi, que dis-tu de lui, de ce qu’il t’a ouvert les yeux ? Et il dit : C’est un prophète.

L’opinion de l’aveugle guéri n’importait pas beaucoup aux plus hostiles de ces hommes (verset 34), mais ils la lui demandent dans l’espoir de lui arracher quelque parole qui leur permit de fonder une accusation contre Jésus ou de convaincre d’imposture celui qui avait recouvré la vue (verset 18). Au lieu de cela ils entendent de sa bouche cette première confession : C’est un prophète, un Envoyé de Dieu.

La conviction de cet homme s’était éclairée et affermie par la discussion même à laquelle il venait d’assister.

18 Les Juifs donc ne crurent point qu’il eût été aveugle et qu’il eût recouvré la vue, jusqu’à ce qu’ils eussent appelé les parents de celui qui avait recouvré la vue.

Maintenant Jean n’emploie plus le mot de pharisiens ; il dit : les Juifs, terme par lequel il désigne toujours les adversaires du Sauveur (Jean 1.19, note).

Ils ne crurent point (grec) à son sujet qu’il avait été aveugle et qu’il avait recouvré la vue ; mais, soupçonnant une entente entre lui et Jésus, ils voulurent avoir le témoignage de ses parents eux-mêmes, qui devaient le mieux connaître l’état précédent et l’état actuel de leur fils.

19 Et ils les interrogèrent, disant : Est-ce là votre fils, que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ?

Deux questions, dont la première était bien facile à résoudre. Quant à la seconde, ses parents ne peuvent ni ne veulent y répondre. Par ces mots : votre fils que vous dites être né aveugle, les interrogateurs trahissent leur incrédulité sur ce fait même.

Les parents affirment ce double fait que c’est là leur fils et qu’il est né aveugle. Mais, quant à la guérison et quant à celui qui l’a accomplie, ils s’empressent de nier toute connaissance et de rejeter sur leur fils le soin de répondre à ces questions.

Les paroles qui suivent (versets 22-24) n’expliquent que trop bien cette lâcheté et cette servilité, ainsi que l’espèce de terreur que l’autorité despotique des pharisiens inspirait au peuple.

20 Ses parents donc répondirent et dirent : Nous savons que c’est là notre fils, et qu’il est né aveugle. 21 Mais comment il voit maintenant, nous ne le savons pas ; ou qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas. Interrogez-le lui-même. Il a de l’âge, il parlera de ce qui le concerne. 22 Ses parents dirent cela, parce qu’ils craignaient les Juifs ; car les Juifs étaient déjà convenus que si quelqu’un le reconnaissait pour le Christ, il serait exclu de la synagogue.

L’exclusion de la synagogue et par là de toute communion religieuse avec le peuple, était le premier degré de l’excommunication. Cette décision prise par le sanhédrin contre les adhérents de Jésus avait dû faire sensation dans Jérusalem et les parents de l’aveugle ne pouvaient l’ignorer.

23 C’est pour cela que ses parents répondirent : Il a de l’âge, interrogez-le lui-même. 24 Ils appelèrent donc pour la seconde fois l’homme qui avait été aveugle, et lui dirent : Donne gloire à Dieu ; nous savons que cet homme est un pécheur.

Les adversaires, comme l’observe M. Luthardt, trahissent tout d’abord leur embarras, en rappelant une seconde fois comme témoin celui dont la guérison témoignait contre eux il leur importait beaucoup de le décider à rétracter ses précédentes déclarations.

Prenant un ton solennel, ils lui disent : Donne gloire à Dieu ! ce qui était une sorte d’adjuration de dire la vérité et de rendre à Dieu l’honneur qu’il lui avait refusé par son péché ou son blasphème (Josué 7.19).

Il insinuaient en même temps qu’ils combattaient, eux, pour la gloire de Dieu, tandis qu’il l’offensait, lui, en reconnaissant Jésus pour un prophète (verset 17).

Enfin, se revêtant de toute leur autorité, ils ajoutent : Nous savons que cet homme est un pécheur, un transgresseur de la loi divine du sabbat.

Ostervald traduit ici et verset 16 : un méchant ce qui n’est point exact et dépasse la pensée des adversaires eux-mêmes.

25 L’aveugle donc répondit : S’il est un pécheur, je ne sais ; je sais une chose, c’est que j’étais aveugle, et que maintenant je vois.

Réponse admirable de simplicité et de vérité ! Apologétique seule vraie. Les ennemis cherchent, par les sophismes de leur dogmatique, à lui arracher un aveu contraire à sa conscience. Ils disent : Nous savons ; lui, ne conteste point leur science, il la laisse de côté et répond : Je ne sais, mais il ajoute : Je sais une chose et cette chose, le fait de sa guérison, c’est son expérience que tous les raisonnements du monde ne sauraient ébranler : j’étais aveugle et maintenant je vois.

Quiconque peut parler ainsi de la vie en Christ comme d’un fait d’expérience, n’a plus à craindre les objections de l’incrédulité.

26 Ils lui dirent donc : Que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ?

Leur embarras va croissant ; ils espèrent encore obtenir de lui, sur la manière dont Jésus l’a guéri, quelque chose qui puisse servir à l’accuser.

27 Il leur répondit : Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté ; pourquoi voulez-vous l’entendre encore ? Voulez-vous aussi devenir ses disciples ?

Pénétrant de plus en plus leurs intentions hostiles, l’aveugle guéri passe de la défensive à l’offensive ; sa parole devient ironique et il finit par leur demander s’ils veulent, eux aussi, eux, les savants, les magistrats du peuple, devenir ses disciples !

28 Ils l’injurièrent et dirent : Toi, tu es disciple de cet homme ; mais nous, nous sommes disciples de Moïse.

Les adversaires sentent dans les paroles de l’aveugle, l’aiguillon d’un reproche moral qui excite leur colère : Ils l’injurièrent.

L’évangéliste passe sous silence leurs injures et s’en tient à leur argument : Toi, nous le voyons bien maintenant, tu es disciple de cet homme (grec de celui-là, terme de mépris), mais nous, nous ne reconnaissons pour maître que Moïse.

29 Nous savons que Dieu a parlé à Moïse, mais pour celui-ci, nous ne savons d’où il est.

Ces dernières paroles respirent encore le mépris pour Jésus et l’incrédulité au sujet de son origine et de sa parole. Ces hommes ne trouvent pas ses œuvres comparables aux majestueuses apparitions de Dieu sur les montagnes d’Horeb et de Sinaï, où il a parlé à Moïse.

30 Cet homme répondit et leur dit : C’est là ce qui est étonnant, que vous ne sachiez d’où il est, et il m’a ouvert les yeux ! 31 Nous savons que Dieu n’exauce pas les pécheurs ; mais que si quelqu’un honore Dieu et fait sa volonté, celui-là, il l’exauce. 32 Jamais on n’a ouï-dire que personne ait ouvert les yeux d’un aveugle-né. 33 Si celui-ci n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.

Il n’y a pas un mot, dans cette courageuse confession de l’aveugle guéri, qui ne porte le sceau d’une irrécusable vérité. Tout d’abord, la réponse à la parole : Nous ne savons d’où il est.

C’est là ce qui est étonnant ! Il m’a ouvert les yeux, n’est-ce pas la preuve qu’il vient de Dieu ?

L’aveugle l’établit :

  1. par un principe biblique (verset 31) et il renvoie aux adversaires leur mot hautain : « Nous savons » (voir Job 27.9 ; Job 35.13 ; Psaumes 109.7 ; Proverbes 15.29, etc.) ;
  2. par un fait indubitable (verset 32) ;
  3. par une conclusion que les adversaires eux-mêmes ne nieront pas (verset 33).
34 Ils répondirent et lui dirent : Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes ! Et ils le jetèrent dehors.

L’orgueil clérical, blessé par l’inexorable logique, ne connaît plus que la fureur.

Par ce mot injurieux : Tu es né tout entier dans le péché, ils font allusion à sa cécité qu’ils jugent, comme les disciples (verset 2), être un châtiment de Dieu à cause de ses péchés.

Et ils ne s’aperçoivent pas, comme l’observe justement M. Godet, que, par cette injure même, ils rendent hommage à la réalité du miracle qu’ils prétendent nier.

Après ces mots : ils le jetèrent dehors, il faut sous-entendre : hors de la salle où ils se trouvaient.

Il ne peut être question d’une excommunication officielle, qui eût exigé une délibération régulière. Mais cette excommunication devait être la conséquence inévitable et prochaine de la scène qui venait d’avoir lieu.

35 Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors ; et l’ayant trouvé, il lui dit : Crois-tu au Fils de l’homme ?

Par cette observation, que Jésus apprit (sans doute par quelqu’un de ses disciples) ce qui venait d’arriver à l’aveugle, l’évangéliste prépare et motive la rencontre qu’il va raconter.

En effet, Jésus, sachant que cet homme avait déjà souffert pour son nom, dut désirer d’autant plus vivement d’achever son œuvre en lui, c’est-à-dire de rendre la lumière à son âme, comme il l’avait rendue à ses yeux. C’est ce qu’il va faire, en l’amenant à la foi, qui est l’œil de l’homme intérieur.

Il le trouva, parce qu’il le cherchait
— Bengel

Grec : toi, tu crois au Fils de l’homme ?

Telle est la traduction littérale de cette question qui suppose une réponse affirmative.

En effet, Jésus savait qu’il y avait dans cet homme un principe de foi sincère en son bienfaiteur. Il ne s’agissait donc que de l’amener à connaître celui-ci plus complètement. Jésus atteint ce but par la question directe du verset 35 et la révélation du verset 37.

Codex Sinaiticus, B, D et une ou deux versions portent : Fils de l’homme au lieu de Fils de Dieu.

La plupart des critiques et des exégètes adoptent cette variante par la raison que la substitution du terme, courant dans notre évangile, de Fils de Dieu, au terme rarement employé de fils de l’homme est plus probable que l’inverse. Dans 6.69 aussi, le terme de Fils de Dieu avait pris la place de l’expression caractéristique : « le Saint de Dieu ».

36 Il répondit :
Et qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ?

La prompte réponse de cet homme : Et qui est-il, Seigneur ? montre qu’il a vivement saisi la question de Jésus et qu’il ne demande pas mieux que de le connaître pour croire en lui.

37 Jésus lui dit : Tu l’as vu, et celui qui parle avec toi, c’est lui.

Grec : Et tu l’as vu et celui qui parle avec toi, c’est lui.

Cette particule répétée : et, et, marque deux immenses grâces de Dieu accordées à cet homme.

La première, c’est qu’il a vu son libérateur, il l’a vu au moment où celui-ci l’a trouvé (verset 35) et où il a pu pour la première fois contempler ses traits.

D’autres pensent que par ce mot Jésus rappelle à l’aveugle la délivrance qu’il lui avait accordée : tu as vu, éprouvé ma puissance et mon amour.

Cette explication est moins naturelle. La seconde grâce divine, bien plus grande encore, c’est que Jésus parle avec lui et se révèle à lui comme son Sauveur.

38 Et il dit : Je crois, Seigneur ! Et il se prosterna devant lui.

Il se prosterna devant lui : comme le fait observer Meyer, Jean emploie toujours ce terme dans le sens d’adoration (Jean 4.20-24 ; Jean 12.20).

On conçoit, en effet, qu’après l’éclatant miracle par lequel Jésus avait rendu la vue à cet aveugle et au moment où il se présentait personnellement à lui comme le Sauveur, lui parlant avec une divine charité, cet homme, vivement saisi et ému, s’écrie avec effusion : Je crois, Seigneur ! et n’ait dès lors, dans le cœur, plus d’autre sentiment que celui de l’adoration. C’est le plein accomplissement de la grande parole du Sauveur : il était né aveugle, « afin que les œuvres de Dieu fussent manifestées en lui » (verset 3).

39 Et Jésus dit : C’est pour un jugement que je suis venu dans ce monde, afin que ceux qui ne voient point, voient, et que ceux, qui voient deviennent aveugles.

Jésus, voyant prosterné à ses pieds ce pauvre aveugle qui possède maintenant la lumière du corps et celle de l’âme et apercevant, parmi ceux qui l’entouraient, quelques-uns de ces pharisiens aveuglés par leur orgueil et leur endurcissement (verset 40), dut prononcer ces paroles à haute voix et d’un ton ému.

Il voit un jugement de Dieu dans l’inimitié des adversaires. Quand il déclare que ce jugement était le but de sa venue dans ce monde, il semble se trouver en contradiction avec Jean 3.17.

Mais il veut parler ici de cette crise intérieure qui se produit en toute âme qui entend la parole divine ; crise qui peut avoir pour résultats opposés la lumière ou les ténèbres, la vie ou la mort (comparer Jean 3.19 ; Matthieu 13.14).

C’est là l’émouvant spectacle que Jésus avait alors sous les yeux : d’une part, l’aveugle qui, dans les deux sens du mot, ne voyait pas et qui vient de recouvrer la vue corporelle et spirituelle ; et d’autre part, ces sages et ces intelligents qui voient, ou s’imaginent voir, grâce à leur instruction et à leurs lumières naturelles, mais qui, en repoussant avec orgueil la vérité, sont frappés de cécité morale, deviennent aveugles !

Dans une autre occasion (Matthieu 11.25), Jésus louait Dieu son Père de ce qu’il a ainsi « caché ces choses aux sages et aux intelligents et qu’il les a révélées aux enfants », aux âmes simples et droites. C’est là une dispensation de la vérité et de la justice divines.

Après cette interprétation qui ressort naturellement du contexte et qui est confirmée par les versets suivants, il nous paraît superflu de prendre parti dans un débat soulevé par quelques exégètes.

Les uns entendent par ceux qui ne voient pas ceux qui ont le sentiment de ce qui leur manque et soupirent après la lumière ; dans ceux qui voient, ceux qui, nourrissant l’orgueilleuse illusion de la science sont satisfaits d’eux-mêmes et de leur condition naturelle.

D’autres pensent que Jésus désigne en ces termes, d’une part, les ignorants, les simples, les petits, les gens du peuple (Jean 7.49) ; d’autre part, les savants, les intelligents, les scribes et les docteurs de la loi, les chefs, qui, convaincus de leur infaillibilité, venaient de condamner l’acte qu’il avait accompli.

Que Jésus eût en vue ces derniers, quand il parlait de ceux qui voient, c’est évident ; mais dans son application générale cette parole n’est pas limitée à une classe d’hommes, puisque ce n’est que selon les dispositions de leur cœur que les hommes de toute catégorie, savants ou ignorants, reçoivent ou rejettent la vérité divine.

40 Quelques-uns des pharisiens qui étaient avec lui entendirent cela, et lui dirent :
Et nous, sommes-nous aussi aveugles ?

Grec : D’entre les pharisiens, ceux qui étaient avec lui, qui se trouvaient encore là, épiant les paroles de Jésus.

À cause de la sensation produite par cet éclatant miracle et à la suite de la scène racontée au verset 34, ils sentaient le besoin de l’observer de près.

Ils comprennent que Jésus les désignait comme ceux qui deviennent aveugles ; blessés dans leur orgueil et insensibles au jugement divin que Jésus annonçait, ils lui posent, d’un ton hautain et railleur, cette question : Et nous, sommes-nous aussi aveugles ?

41 Jésus leur dit : Si vous étiez aveugles, vous n’auriez point de péché ; mais maintenant vous dites : Nous voyons ; votre péché demeure.

Si vous étiez aveugles, semblables à ces ignorants qui se sentent tels et qui soupirent après la lumière, vous n’auriez pas ce péché spécial de l’incrédulité et de l’endurcissement, qui est le pire de tous et qui vous fait repousser la vérité.

Mais maintenant vous dites avec orgueil : Nous voyons, nous possédons la clef de la science, nous sommes les conducteurs des aveugles, les docteurs des ignorants, les maîtres des simples (Romains 2.19-20) ; votre péché demeure et demeure sans remède (Le texte reçu porte donc votre péché Cette particule est sous-entendue dans le texte de Codex Sinaiticus, B, D, Jean 9).

L’aveugle qui se dit voyant, le malade qui se dit en santé (Matthieu 9.12), le pauvre qui se dit riche (Apocalypse 3.17), n’iront jamais puiser à la source de la délivrance.