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Genèse 38
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

Plan du commentaire biblique de Genèse 38

La famille de Juda

Ce morceau contient le récit d’un fait spécial qui paraît interrompre l’histoire de Joseph ; il n’est rattaché au contexte que par une indication chronologique très vague : en ce temps là.

Si le rédacteur de la Genèse lui a assigné cette place, ce n’est pas seulement pour compléter les renseignements généalogiques sur la famille de Juda, maïs afin de montrer par un cas spécial combien il est urgent d’arracher la famille patriarcale à l’influence cananéenne qui commence à l’envahir. De cette manière, un jour tout nouveau est jeté sur l’histoire de Joseph en Égypte : il est l’instrument choisi de Dieu pour préparer cette migration devenue indispensable. Et c’est ainsi que ce morceau rentre dans l’histoire de Joseph, dans laquelle il est intercalé.

1 Il arriva dans ce temps-là que Juda descendit d’auprès de ses frères et arriva jusque près d’un homme d’Adullam nommé Hira.

En ce temps là. Ces événements dans la famille de Juda doivent avoir rempli tout le temps qui s’est écoulé de la vente de Joseph à l’établissement de la famille patriarcale en Égypte. C’est un espace de vingt-deux ans, car Joseph, qui avait été vendu à l’âge de dix-sept ans, fit venir son père en Égypte à l’âge de trente-neuf ans. Voir les données chronologiques de Genèse 41.46 et de Genèse 45.6.

D’autres interprètes, pensant que tous les événements racontés dans ce chapitre ne peuvent trouver place dans un espace de vingt-deux ans, supposent que Juda s’était séparé de ses frères avant le moment où ils vendirent Joseph. Mais il semble bien qu’au chapitre 37 il garde encore avec eux les troupeaux de son père.

Descendit. Hébron, où demeurait la famille de Jacob, était dans les montagnes de Juda, tandis qu’Adullam devait être dans la plaine, non loin de la frontière des Philistins. Comparez Josué 15.35.

D’après Josué 12.15, c’était une ancienne ville royale des Cananéens.

Arriva jusque… Il ne s’y rendit pas directement, mais arriva peu à peu jusque là.

Hira. Cet homme devint son ami intime (versets 12 et 20).

2 Et là Juda vit la fille d’un Cananéen nommé Schua ; et il la prit [pour femme] et alla vers elle. 3 Et elle conçut et enfanta un fils, et il le nomma Er. 4 Et elle conçut encore et enfanta un fils, et elle le nomma Onan. 5 Elle enfanta encore un fils, et elle le nomma Schéla. Et Juda était à Kézib quand elle l’enfanta.

Kézib, nommé ailleurs Aczib (Josué 15.44 ; Michée 1.14). Cette ville se trouvait sur la frontière méridionale de Juda, non loin de Béerséba.

6 Et Juda prit pour Er, son premier-né, une femme nommée Thamar. 7 Et Er, premier-né de Juda, fut méchant aux yeux de l’Éternel, et l’Éternel le fit mourir. 8 Et Juda dit à Onan : Va vers la femme de ton frère en ta qualité de beau-frère et suscite une postérité à ton frère.

En ta qualité de beau-frère. Afin d’éviter l’extinction des familles, quand un homme mourait sans enfants, son frère ou, à défaut de frère, son plus proche parent épousait sa veuve et le premier enfant né de cette union était envisagé comme fils du premier mari. Cette coutume antique, dont on retrouve des traces en Inde, en Perse, chez les Afghans, les Druses et jusqu’en Abyssinie, a passé pour les Juifs à l’état de loi dans Deutéronome 15.5-10.

9 Mais Onan savait que cette postérité ne serait pas à lui, et quand il allait vers la femme de son frère, il faisait en sorte de ne point donner de postérité à son frère.

Que cette postérité ne serait pas à lui. S’il suscitait lignée à son frère, le bien paternel serait divisé en trois parts ; si non, il lui en reviendrait la moitié.

Il faisait en sorte… L’expression employée ne convient pas bien au péché, auquel on a attaché le nom de cet homme.

10 Et ce qu’il faisait déplut à l’Éternel, et il le fit mourir aussi. 11 Et Juda dit à Thamar, sa belle-fille : Demeure comme veuve dans la maison de ton père jusqu’à ce que Schéla, mon fils, soit devenu grand. Car il disait : Il ne faut pas qu’il meure, lui aussi, comme ses frères. Et Thamar s’en alla et demeura dans la maison de son père.

Il ne faut pas qu’il meure. Juda soupçonne que Thamar porte malheur à ses maris.

12 Et bien des jours s’écoulèrent, et la fille de Schua, femme de Juda, mourut. Et Juda, après avoir fini son deuil, monta vers ceux qui tondaient ses brebis à Thimna, lui et Hira, son ami, l’Adullamite.

Tondaient. Le moment de la tonte des brebis était un temps de fêtes joyeuses et de licence. Comparez 1 Samuel 25.4 et suivants.

Thimna. L’Ancien Testament mentionne trois localités de ce nom :

  • l’une en Éphraïm, domicile de Josué (Josué 19.50)
  • la seconde a appartenu tantôt aux Philistins (Juges 14.4), tantôt à la tribu de Juda (Josué 15.10), tantôt à celle de Dan (Josué 19.43) ; c’est là que demeurait la femme de Samson (Juges 14).
  • Enfin Josué 15.57 indique un troisième Thimna dans les montagnes de Juda. C’est de cette dernière localité qu’il est ici question.
13 Et on en informa Thamar, en lui disant : Voici, ton beau-père monte à Thimna pour tondre ses brebis. 14 Et elle ôta ses habits de veuve, se couvrit d’un voile et s’en enveloppa, et elle s’assit à l’entrée d’Enaïm, qui est sur le chemin de Thimna ; car elle avait vu que Schéla était devenu grand et qu’elle ne lui avait pas été donnée pour femme.

Enaïm : les deux sources. Même localité que Enam, dans la plaine de Juda (Josué 15.34).

Car elle avait vu… . Juda ne tenant pas sa promesse, elle veut, par des moyens détournés, lui faire remplir à lui-même le devoir qui incombe à sa famille et à lui personnellement, comme plus proche parent, une fois que Schéla lui est refusé.

15 Et Juda la vit et la prit pour une femme de mauvaise vie ; car elle avait couvert son visage.

Femme de mauvaise vie. Au verset 21, elle est appelée une prostituée, en hébreu kedéscha, littéralement consacrée. C’étaient des femmes qui se consacraient au culte d’Astarté, la Vénus des Cananéens. Cette prostitution religieuse, très usitée chez les peuples anciens, était particulièrement répandue parmi les tribus cananéennes.

Car elle avait couvert son visage. On pourrait conclure du car que les femmes de mauvaise vie avaient coutume de se voiler. Mais le car peut s’appliquer aussi à une idée sous-entendue, que suppléent les LXX et la Vulgate : Il la prit pour une femme de mauvaise vie, car il ne la reconnut pas, parce qu’elle avait couvert…

16 Et il se détourna vers elle, vers le chemin, et il dit : Permets que j’aille vers toi. Car il ne savait pas que ce fût sa belle-fille. Elle répondit : Que me donneras-tu pour venir vers moi ?

Vers le chemin : un chemin latéral par rapport à la route qu’il suivait et au bord duquel elle était assise. Comparez Jérémie 3.2 ; Ézéchiel 16.25.

17 Il dit : J’enverrai un chevreau du troupeau. Et elle dit : À condition que tu me donnes un gage jusqu’à ce que tu l’envoies.

Un chevreau : peut-être parce que cet animal était spécialement consacré à Astarté.

18 Il dit : Quel est le gage que je te donnerai ? Et elle répondit : Ton cachet et ton cordon, et ton bâton que tu as à la main. Et il les lui donna, et il alla vers elle, et elle devint enceinte de lui.

Les objets qu’elle exige comme gages sont particulièrement propres à faire reconnaître leur propriétaire.

Le cachet était un insigne porté par tout chef de famille soit au doigt, soit suspendu au cou par un cordon.

Ton bâton. La poignée de la canne avait une marque distinctive pour faire reconnaître le propriétaire. Chez les anciens Babyloniens, chaque homme portait un anneau et un bâton.

19 Et elle se leva et s’en alla ; et elle ôta son voile et remit ses habits de veuve. 20 Et Juda envoya le chevreau par son ami, l’Adullamite, pour retirer le gage des mains de cette femme ; mais il ne la trouva point. 21 Et il interrogea les hommes du lieu, en disant : Où est cette prostituée qui était à Enaïm, au bord du chemin ? Ils lui dirent : Il n’y a point eu ici de prostituée. 22 Et il retourna vers Juda et dit : Je ne l’ai point trouvée, et même les gens du lieu ont dit : Il n’y a point eu ici de prostituée. 23 Et Juda dit : Qu’elle garde cela ! Il ne faut pas qu’on se moque de nous. C’est un fait que j’ai envoyé ce chevreau, et tu ne l’as point trouvée.

Qu’on se moque de nous : en voyant qu’il s’est laissé duper et qu’il a remis un gage beaucoup plus précieux que le salaire convenu et en la possession duquel il ne peut rentrer.

24 Et il arriva qu’environ trois mois après on alla dire à Juda : Thamar, ta belle-fille, s’est prostituée, et même la voilà enceinte de ses prostitutions. Et Juda dit : Faites-la sortir, et qu’elle soit brûlée.

Qu’elle soit brûlée. Le patriarche avait droit de vie et de mort sur les membres de sa famille (Comparez Genèse 31.32). Comme veuve sans enfants, elle était fiancée à son beau-frère ; et une fiancée qui se livrait à l’impureté était punie de mort (Deutéronome 22.23 et suivants). Seulement la loi ordonna la lapidation et non le supplice du feu, comme ici.

25 Comme on la faisait sortir, elle envoya dire à son beau-père : C’est d’un homme à qui ceci appartient que je suis enceinte. Elle dit encore : Examine, je te prie, à qui sont ce cachet et ces cordons, et ce bâton. 26 Et Juda les reconnut et dit : Elle est plus juste que moi ; [c’est arrivé] parce que je ne l’ai point donnée à Schéla, mon fils. Et il ne la connut plus.

Elle est plus juste que moi. C’est moi qui ai péché, en ne lui accordant pas Schéla pour mari.

Il ne la connut plus. Maintenant qu’il savait qui elle était, une union entre eux eût été illégitime. Comparez Lévitique 18.15.

27 Et à l’époque où elle devait accoucher, voici il y avait des jumeaux dans son sein. 28 Et pendant qu’elle enfantait, l’un d’eux étendit une main ; et l’accoucheuse la prit et y lia un fil écarlate en disant : C’est celui-ci qui est sorti le premier. 29 Mais il retira sa main, et voici son frère sortit. Et elle dit : Quelle brèche tu as faite ! La brèche soit sur toi !
Et on le nomma Pérets.

Pérets signifie brèche.

30 Ensuite sortit son frère, qui avait à sa main le fil écarlate, et on le nomma Zérach.

Zérach signifie lever (du soleil). On le nomma ainsi parce qu’il était apparu le premier. Pérets n’en fut pas moins considéré comme l’aîné (Genèse 46.12 ; Nombres 26.20). C’est de la famille de Pérets que sortira la race royale, qui commence avec David et par conséquent aussi le Messie. Voir la généalogie de Pérets à David dans Ruth 4.18-22.