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Genèse 32
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

Plan du commentaire biblique de Genèse 32

Retour de Jacob et son établissement en Canaan (chapitres 32 à 35)

Rencontres de Jacob avec les anges, avec Dieu et avec son frère (32.1 à 33.16)

1 Jacob continua son chemin, et des anges de Dieu le rencontrèrent.

Rencontre avec les anges (1-2)

Des anges de Dieu le rencontrèrent Ils lui étaient apparus à Béthel pour l’encourager au moment où, fuyant la colère de son frère, il sortait du pays de Canaan. Ils se présentent de nouveau à lui au moment où il rentre en Canaan, comme pour le protéger contre le ressentiment de son frère. C’est pourquoi ils forment un camp. Jacob les voit non plus en songe, comme au chapitre 28, mais en état de veille, comme Élisée à Dothan (2 Rois 6.17).

2 Et quand il les eut vus, Jacob dit : C’est le camp de Dieu !
Et il nomma ce lieu là Mahanaïm.

Mahanaïm : deux camps, le camp de Jacob et celui des anges. Cette localité, qui a joué un grand rôle au temps de David et de Salomon (2 Samuel 11.8 ; 2 Samuel 17.24 ; 1 Rois 4.14), devait être à peu près à égale distance du Jourdain, du Jabbok et du Jarmuk.

3 Et Jacob envoya des messagers devant lui, vers Ésaü, son frère, au pays de Séir, dans la campagne d’Édom.

Préparatifs de la rencontre avec Ésaü (3-23)

Au pays de Séir. Voir Genèse 14.6, note. Ésaü avait donc déjà quitté son père et avait choisi ce pays, préparant ainsi l’accomplissement de la prophétie d’Isaac (Genèse 27.39-40). Sur le rapport de ce passage avec Genèse 36.6-8, voir à ces versets.

4 Et il leur donna cet ordre : Vous parlerez ainsi à mon seigneur, à Ésaü : Ainsi a dit ton serviteur Jacob : J’ai séjourné chez Laban et j’y suis resté jusqu’à présent.

Mon seigneur…, ton serviteur. Jacob cherche à effacer, à force de témoignages respectueux, l’impression pénible que devait éprouver Ésaü en se rappelant la supériorité attribuée par la bénédiction paternelle à son frère cadet.

5 J’ai des bœufs et des ânes, des brebis, des serviteurs et des servantes ; et j’en fais informer mon seigneur, pour trouver grâce à tes yeux.

Jacob ne veut pas seulement donner de ses nouvelles à Ésaü ; il veut lui faire comprendre qu’il ne lui demandera rien et qu’en particulier il peut lui laisser l’héritage paternel que celui-ci lui avait vendu.

Trouver grâce : obtenir un bon accueil.

6 Et les messagers revinrent vers Jacob en disant : Nous nous sommes rendus auprès de ton frère, auprès d’Ésaü ; et de plus, il vient à ta rencontre, et il a quatre cents hommes avec lui.

Il vient à ta rencontre. Ésaü s’était mis en route immédiatement après avoir reçu le message de Jacob.

Il a quatre cents hommes avec lui. Une pareille troupe indique une expédition guerrière ; il n’est que trop à craindre que Jacob et ses richesses en soient le but.

7 Et Jacob fut tout effrayé et en angoisse. Et il partagea les gens qui étaient avec lui, et le menu et le gros bétail et les chameaux, en deux troupes.

Jacob ne se sent pas en état de lutter contre une pareille force armée. Il a d’abord recours aux moyens humains que lui dicte son habileté naturelle. Le premier est indiqué ici ; le second le sera aux versets 13 à 21.

Il partagea… Il partage ses troupeaux et ses serviteurs en deux bandes. Quant à sa famille, il la garde auprès de lui (Genèse 33.2).

Mais ces mesures de prudence sont inutiles si Dieu n’y met la main. Aussi a-t-il recours à la prière (versets 9 à 12).

8 Et il dit : Si Ésaü rencontre l’une des troupes et la frappe, l’autre, qui restera, sera une réserve. 9 Et Jacob dit : Dieu de mon père Abraham et Dieu de mon père Isaac, Éternel, qui m’as dit : Retourne en ton pays et au lieu de ta naissance, et je te ferai du bien ;

Les raisons pour lesquelles il ose s’approcher de Dieu : c’est le Dieu de sa famille et c’est lui qui, en lui ordonnant de revenir, l’a mis dans la position critique où il se trouve.

10 je suis trop petit pour toutes les grâces et pour toute la fidélité dont tu as usé envers ton serviteur, car j’ai passé ce Jourdain avec mon bâton, et maintenant je suis devenu deux troupes.

Actions de grâces à Dieu pour ses bienfaits passés.

11 Délivre-moi, je te prie, de la main de mon frère, de la main d’Ésaü ; car je crains qu’il ne vienne et qu’il ne me frappe, la mère avec les enfants.

Supplication proprement dite.

12 Et toi, tu as dit : Certainement je te ferai du bien, et je rendrai ta postérité pareille au sable de la mer, qu’on ne peut compter, tant il y en a.

Fondement de sa confiance pour l’avenir, les promesses divines.

13 Et il passa là cette nuit. Et des biens qu’il avait avec lui il prit de quoi faire une offrande à Ésaü, son frère :

Seconde mesure de Jacob (13-21)

Il prit le lendemain.

14 deux cents chèvres et vingt boucs, deux cents brebis et vingt béliers,

Il fait un gros sacrifice en prélevant en quelque sorte une dîme pour Ésaü sur les cinq espèces d’animaux qui forment sa richesse. Le présent tout entier s’élève à 580 têtes de bétail. Il est curieux de remarquer que la proportion entre les mâles et les femelles est justement celle que recommande l’auteur romain Varron dans son ouvrage De re rusticâ.

15 trente chamelles qui allaitaient, avec leurs petits, quarante vaches et dix taureaux, vingt ânesses et dix ânons. 16 Et il remit à ses serviteurs chaque troupeau à part, et il dit à ses serviteurs : Passez devant moi et laissez une distance entre chaque troupeau.

Laissez une distance : pour que cette succession de troupeaux et de messages agisse d’une manière plus efficace sur Ésaü.

17 Et il donna cet ordre au premier : Quand Ésaü, mon frère, te rencontrera et te demandera : À qui es-tu, où vas-tu, et à qui appartient ce troupeau qui va devant toi ?

Qui va devant toi : le berger marche derrière son troupeau.

18 Tu diras : À ton serviteur Jacob : c’est une offrande qu’il envoie à mon seigneur, à Ésaü ; et le voici lui-même qui nous suit. 19 Il donna le même ordre au second et au troisième et à tous ceux qui suivaient les troupeaux : Vous parlerez ainsi à Ésaü quand vous le rencontrerez, 20 et vous direz : Voici aussi ton serviteur Jacob qui nous suit. Car il s’était dit : Je l’apaiserai par ce présent qui va devant moi, et après cela je verrai sa face ; peut-être me fera-t-il bon accueil.

Je l’apaiserai, littéralement : je couvrirai sa face, expression technique dans la loi pour désigner l’expiation. Quand Ésaü regardera vers Jacob, il verra non plus ses tromperies passées, mais son offrande.

Me fera bon accueil, littéralement : élèvera ma face. Un suppliant qui paraît devant un supérieur ne relève la tête que quand sa demande lui est accordée. Voir Genèse 4.7, note.

21 Et le présent passa avant lui ; et lui, il passa cette nuit-là dans le camp.

Tandis que le présent s’en va, lui demeure avec celle des deux bandes avec laquelle se trouve sa famille.

Cette nuit-là : la nuit qui suivit celle indiquée au verset 13. Il a passé la journée à préparer les présents destinés à Ésaü.

22 Et il se leva cette nuit-là, prit ses deux femmes et ses deux servantes et ses onze enfants, et passa le gué du Jabbok.

Tourmenté par l’inquiétude, il fait passer le Jabbok à tout son monde, sans doute avec l’ordre donné aux deux bandes de se séparer au-delà du torrent, en se dirigeant chacune d’un côté différent.

Gué du Jabbok. Le Jabbok présente deux gués, l’un dans son cours supérieur, sur la route des caravanes de Syrie ; l’autre à l’endroit où il sort d’une gorge profonde pour entrer dans la plaine. C’est probablement de ce dernier que profite Jacob.

23 Et il les prit et leur fit passer le torrent, et il fit aussi passer ce qui lui appartenait. 24 Et Jacob resta seul. Et un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore.

Lutte de Jacob avec Dieu (24-32)

Jacob a maintenant fait tout ce qui était en son pouvoir pour se mettre à l’abri du danger qui le menace. Il a préparé son frère par un message plein de soumission ; il a cherché à amollir son cœur par une série d’offrandes qui sont des hommages ; il a divisé ses troupeaux et ses serviteurs en deux parts, dont l’une au moins a chance d’échapper ; il a même prié.

Et pourtant l’angoisse étreint encore son cœur ; la pensée du massacre qui le menace, lui et les siens, ne le quitte point. Il a tout fait et cependant il sent que rien n’est fait tant qu’il n’est pas certain d’avoir Dieu pour lui. Resté seul dans l’obscurité de la nuit, il cherche la face de Celui dont le secours lui est indispensable.

Mais voici qu’à ce moment un inconnu se trouve devant lui et au lieu d’un allié, c’est un adversaire. La suite seulement montre à Jacob lui-même à qui il a affaire. Cette apparition divine est du même genre que celle qui est racontée Josué 5.13 à 6.5 où l’Éternel se présente à Josué sous la forme d’un homme tenant une épée nue en sa main.

Lutta avec lui. Le mot très rare employé ici (jéabek) est choisi pour établir un rapprochement entre ce fait et le nom du torrent au bord duquel il a lieu, le Jabbok.

On pourrait supposer qu’il s’agit ici d’une simple vision et non d’une apparition réelle ; mais le verset 31, qui nous montre l’effet physique de cette lutte sur Jacob, ne permet pas cette interprétation purement spirituelle. Mais d’autre part, une lutte purement corporelle n’aurait pu amener chez Jacob le renouvellement moral profond qu’indique le changement de son nom (verset 28).

Il faut donc admettre qu’il s’agit d’une lutte essentiellement morale, mais accompagnée d’une lutte corporelle, symbole de la première et qui lui donnait, pour la conscience du patriarche, toute l’intensité d’une complète réalité. Ce moment dans la vie de Jacob ressemble à la lutte de Gethsémané, où l’agonie de Jésus éclate jusque dans sa nature physique.

Il y avait deux hommes en Jacob : d’un côté, le croyant, objet des promesses divines ; de l’autre, l’homme naturel, rusé et trompeur. Dieu, tout en voulant sauver et bénir le premier, voulait faire périr le second. De cette lutte terrible devait sortir un Jacob purifié, un Israël, ne connaissant plus d’autre force que celle de Dieu.

Le récit sacré avait raconté les fautes de Jacob sans les signaler comme telles, si ce n’est pourtant par les conséquences douloureuses qu’elles avaient entraînées. Mais maintenant le jugement de Dieu pénètre enfin jusque tout au fond. À la conscience de Jacob se rappellent ces vieilles fautes qui l’ont forcé à fuir la maison paternelle et la Terre promise dans laquelle il rentre en ce moment. Ces péchés lui paraissaient oubliés ; ils se dressent maintenant devant lui dans toute leur horreur : son égoïsme et sa dureté envers son frère ; sa lâche tromperie envers son vieux père aveugle.

Sans doute il peut en appeler aux directions de sa mère, à la nécessité où il se trouvait de ne pas laisser échouer les promesses divines. Mais l’inconnu, dont les bras nerveux le tiennent embrassé et cherchent à le terrasser, réduit à néant l’une après l’autre toutes ses excuses. Enfin il lui fait comprendre tout ce que sa conduite chez Laban a eu de vil et comment elle l’a rendu indigne d’être plus longtemps le dépositaire des promesses d’un Dieu saint.

Et voilà à quoi ont abouti toutes ses tromperies : à l’amener à ce moment terrible où il se voit livré à l’épée d’un frère justement courroucé, vis-à-vis duquel aucune résistance n’est possible et où il ne peut se reposer sur Dieu, dont il a perdu l’appui.

Ainsi se passent les heures de cette longue nuit, sans que l’un des deux adversaires renonce à défendre sa cause.

25 Et voyant qu’il ne pouvait le vaincre, il le toucha à l’emboîture de la hanche, et l’emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec lui.

Le jour commence à luire ; cette lutte doit finir ; Jacob doit aller au-devant de son sort. À ce moment, l’inconnu frappe un coup décisif, tellement que Jacob ne peut plus se soutenir sur ses pieds et qu’il est obligé, pour ne pas tomber, de se jeter au cou de son adversaire en faisant de la force de celui-ci la sienne.

C’est le moment où la résistance morale de Jacob est brisée, où, par une manifestation irrésistible de sa sainteté, Dieu anéantit en lui tout espoir de défendre sa cause et où il ne lui reste pins qu’à se jeter à discrétion entre les bras de Celui avec lequel il a opiniâtrement lutté. C’est ici le moment signalé par le prophète Osée quand, rappelant cette lutte mystérieuse (Osée 12.4-5), il dit du patriarche : Il eut le dessus en pleurant et demandant grâce.

Jacob passe condamnation, se reconnaît indigne de la délivrance dont il a besoin pour ce jour même, mais par un appel désespéré, à la miséricorde de son Dieu, il n’en réclame pas moins pardon et salut.

26 Et il dit à Jacob : Laisse-moi aller, car l’aurore est levée. Et il dit : Je ne te laisserai point aller que tu ne m’aies béni.

Mystère plus grand que tout ce qui précède ! Ce n’est plus Jacob qui prie, c’est son adversaire lui-même. Il ne peut en quelque sorte se dégager des bras de ce suppliant désespéré, auquel il s’est lui-même livré en s’approchant de lui comme il l’a fait.

Jacob use du pouvoir qui lui a été accordé de serrer dans ses bras un pareil être et prononce cette parole, qui serait le comble de la folie de la part d’un homme, si elle n’était le suprême héroïsme de la foi : Je ne te laisserai point aller !

Ce moment rappelle celui où dans le récit évangélique, la femme cananéenne, s’agenouillant aux pieds de Jésus, lui barre le chemin en lui disant en quelque sorte : Passe sur moi, ou exauce-moi !

Que tu ne m’aies béni. Voilà ce qu’il lui faut désormais, pour cette journée en particulier ; c’est de cette bénédiction que tout dépend. Il le comprend maintenant. Cela montre le changement radical qui vient de se produire en lui.

27 Et il lui dit : Quel est ton nom ? Et il dit : Jacob.

Quel est ton nom ? Pour le bénir, l’inconnu doit le désigner par son nom. Mais ne le connaît-il pas ? Pourquoi donc le lui demander ? C’est que le nom de Jacob (supplanteur) est l’expression du caractère naturel de celui qui le porte. Le prononcer, ce sera de sa part avouer son indignité, sa souillure. En se nommant le supplanteur, il résumera à sa honte sa vie passée. Et c’est à ce retour humiliant sur son passé que se rattachera la promesse du renouvellement qui doit caractériser son avenir.

28 Et il dit : Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël, car tu as combattu avec Dieu et les hommes, et tu as vaincu.

Israël. Ce nom peut signifier Dieu combat, comme Samuel signifie Dieu exauce, ou Daniel, Dieu juge. Mais l’explication qui suit conduit plutôt au sens : Celui qui combat Dieu, qui lutte avec lui.

Cependant le premier sens est renfermé dans le second ; car pour que l’homme puisse lutter avec Dieu, il faut que Dieu condescende à s’approcher de lui, à se mettre à sa portée, à combattre lui-même avec l’homme.

Avec Dieu et les hommes, littéralement : avec Dieu et hommes. Ésaü et tous les ennemis qui pourraient se présenter sont d’avance vaincus, du moment où Dieu lui-même s’est rendu. L’Éternel est pour moi que me ferait l’homme ? Psaumes 118.6 Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Romains 8.34.

Béni de Dieu, Jacob peut marcher tranquillement à la rencontre de son frère et de tous ses ennemis à venir.

29 Et Jacob l’interrogea et dit. Fais-moi, je te prie, connaître ton nom. Et il dit : Pourquoi t’enquérir de mon nom ? Et il le bénit là.

Enhardi par cette déclaration, Jacob ose demander à celui qu’il tient encore embrassé quel est son nom. Il sait bien maintenant à qui il a affaire ; cette fin du récit le montre clairement. Pourquoi donc cette question ? Comme il a été béni par son nom, il veut remercier aussi son interlocuteur par son nom. Et ce nom lui révélera le mystère suprême, l’essence de cet. être qu’il presse dans ses bras comme un homme et qu’il sait être Dieu lui-même.

La question reste sans réponse Jacob doit demeurer sous l’impression du mystère qui plane sur toute cette scène. Le moment n’est pas encore venu de donner aux hommes la pleine révélation qui nous est accordée dans la connaissance de l’Homme-Dieu.

Comparez un refus semblable Juges 13.18.

Il le bénit là. À la notion du lieu s’unit dans cette expression celle du temps : on pourrait presque dire : Il le bénit sur-le-champ. C’était le résultat voulu de cette lutte. Ce n’était pas pour le faire périr, mais pour le purifier et le sauver que Dieu s’était approché de lui en ennemi.

30 Et Jacob nomma ce lieu Péniel ; car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face et ma vie a été épargnée.

Péniel, ou Pénuel (verset 31), face de Dieu. Ce nom de Pénuel se retrouve dans Juges 8.8, où il désigne une localité située dans cette même contrée.

Ma vie a été épargnée. C’était un principe établi, qu’on ne pouvait voir Dieu et vivre (Exode 23.20). Jacob célèbre l’exception faite en sa faveur.

31 Et il vit le soleil se lever quand il eut passé Pénuel ; et il boitait de la hanche.

Il vit le soleil se lever, littéralement : le soleil se leva pour lui. Cette expression est remarquable. Le soleil se leva pour toute la nature, mais il y avait comme un rapport particulier entre ce soleil radieux qui éclairait sa route après l’obscurité de la nuit et le soleil de la grâce, qui brillait dans son cœur après cette nuit de sombre agonie. Comparez une relation analogue Jean 13.30.

Il boitait. Jacob avait été jusque-là un homme d’une force extraordinaire (Genèse 29.10 ; Genèse 31.40). Maintenant le voilà estropié ! Il doit conserver en son corps la marque ineffaçable de la crise d’anéantissement par laquelle il vient de passer, afin d’en garder toujours le souvenir dans son cœur. Les natures fortes, comme celles de saint Paul et de Luther, une fois brisées, demeurent brisées.

32 C’est pourquoi les enfants d’Israël ne mangent point jusqu’à aujourd’hui le grand nerf qui est à l’emboîture de la hanche, parce qu’il avait touché l’emboîture de la hanche de Jacob, au grand nerf.

Le grand nerf : le nerf sciatique (nervus ischiadicus). Ce nerf, le plus gros et le plus long de tout le corps, part de la colonne vertébrale et va jusqu’à la cheville du pied en passant par l’emboîture de la hanche, où il est particulièrement gros. On comprend qu’en paralysant ce nerf, l’adversaire de Jacob l’ait réduit à l’impuissance.

La coutume ici mentionnée n’est rappelée nulle part dans la loi et pourtant elle a été observée dans tous les temps au sein du peuple juif. Le Talmud en fait même une prescription à laquelle les Juifs d’aujourd’hui se conforment encore.

Cette lutte avec Dieu est le moment le plus important de la vie de Jacob. Abraham, Isaac et Jacob ont eu chacun dans leur vie un moment décisif, où le trait essentiel de leur nature, celui qui leur donnait à chacun son caractère respectif, s’est affirmé dans toute sa force.

Ce moment a été pour Abraham celui où il a sacrifié son fils sur Morija (chapitre 12), couronnant ainsi par un acte de foi sublime une vie toute de foi soumise et obéissante.

Pour Isaac, ce moment caractéristique est, marqué par la triste scène de la bénédiction de ses fils (chapitre 27). Nature faible, dépourvue de toute énergie et n’appréciant rien tant que le bien-être matériel, tel nous apparaît Isaac dans cette histoire, comme dans tout ce qui nous est connu de lui.

Jacob enfin se montre à nous dans la scène de Péniel comme une nature complexe, qui a dû passer par une crise profonde pour arriver à la vraie foi. Jusqu’au moment où il est brisé à Péniel, il a foi aux promesses divines, mais il s’imagine qu’il doit se les approprier par tous les moyens, même les moins louables, qui sont en son pouvoir. Mais dès le moment où, dans cette lutte mémorable, Dieu l’a réduit à l’impuissance, il comprend que la foi consiste non seulement à croire aux promesses, mais aussi à en attendre de Dieu seul la réalisation.