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Eusèbe – Histoire ecclésiastique – Livre II

Voici ce que contient le second livre de l’histoire ecclésiastique

I. Ce que firent les apôtres après l’ascension du Christ.

II. Comment Tibère fut vivement frappé de ce qu’il apprit par Pilate concernant le Christ.

III. Comment la doctrine du Christ fut propagée en peu de temps dans le monde entier.

IV. Après Tibère, Caïus établit Agrippa roi des Juifs et condamna Hérode à l’exil perpétuel.

V. Philon est envoyé en ambassade auprès de Gaïus en faveur des Juifs.

VI. Nombreux malheurs arrivés aux Juifs après le meurtre du Christ.

VII. Comment Pilate se suicida.

VIII. La famine sous Claude.

IX. Martyre de l’apôtre Jacques

X. Hérode Agrippa pour avoir persécuté les apôtres éprouva sur-le-champ la vengeance divine.

XI. Le magicien Theudas.

XII. Hélène, reine des Adiabéniens.

XIII. Simon le Mage.

XIV. Prédication de l’apôtre Pierre à Rome.

XV. L’Évangile de Marc.

XVI. Marc le premier prêcha la connaissance du Christ en Égypte.

XVII. Ce que Philon raconte des ascètes d’Égypte.

XVIII. Livres de Philon parvenus jusqu’à nous.

XIX. Malheurs arrivés aux Juifs à Jérusalem au jour de Pâques.

XX. Ce qui arriva à Jérusalem sous Néron.

XXI. De l’Égyptien dont parlent les Actes des apôtres.

XXII. Paul, envoyé de Judée à Rome comme prisonnier, se lave et est absout de toutes accusations.

XXIII. Comment Jacques appelé le frère du Seigneur fut martyr.

XXIV. Après Marc, Annianus fut établi premier évêque de l’église d’Alexandrie.

XXV. De la persécution de Néron, sous lequel Pierre et Paul furent honorés, à Rome, du martyre pour la religion.

XXVI. Comment les Juifs accablés de maux sans nombre déclarèrent enfin la guerre aux Romains.

Ce livre a pour sources Clément, Tertullien, Josèphe, Philon.

Ce qu’il fallait traiter de l’histoire ecclésiastique dans une introduction concernant la divinité du Verbe Sauveur, l’antiquité des dogmes de notre enseignement, l’ancienneté du genre de vie évangélique à la manière des chrétiens, comme aussi ce qui se rapporte à la récente venue du Christ, ce qui s’est passé avant sa passion, ce qui regarde l’élection des apôtres, nous l’avons exposé dans le livre précédent et nous en avons brièvement indiqué les preuves. Examinons maintenant dans le livre présentée qui est arrivé après l’ascension de Jésus. Nous l’exposerons en partie d’après les écrits divins et en partie d’après des documents profanes que nous citerons en leur lieu.

Chapitre I

Ce que firent les apôtres après l’ascension du Christ

Mathias fut d’abord choisi par le sort pour l’apostolat à la place du traître Judas ; il était lui-même, comme nous l’avons dit, un des disciples du Sauveur. D’autre part, les douze établirent, par la prière et l’imposition des mains, des hommes éprouvés pour le service et l’administration du bien commun ; ils étaient au nombre de sept, Etienne et ses compagnons. Celui-ci, le premier suivit le maître dans la mort, au temps même où les mains lui avaient été imposées, comme s’il avait été promu pour cela ; il fut lapidé et mis à mort par les meurtriers du Seigneur et de cette sorte il remporta le premier, réalisant ainsi son nom, la couronne des nobles et victorieux martyrs du Christ. Alors Jacques, celui qu’on dit frère du Seigneur (car il était appelé, lui aussi, fils de Joseph : Joseph était le père du Christ et marié à la Vierge ; avant qu’ils fussent ensemble, celle-ci fut trouvée ayant conçu du Saint-Esprit, comme l’enseigne la sainte écriture îles évangiles) ; donc ce Jacques, que les anciens appelaient juste à cause de la supériorité de sa vertu, fut, dit-on, le premier, établi sur le trône épiscopal de l’église de Jérusalem, Clément, dans le sixième livre de ses Hypotyposes, l’indique ainsi : Il dit en effet que Pierre et Jacques et Jean, après l’ascension du Sauveur, quoique ayant été honorés plus que les autres par lui, ne revendiquèrent pas cette gloire, mais que Jacques le juste fut choisi comme évêque de Jérusalem.

Le même écrivain, dans le septième livre du même ouvrage, dit encore de lui : « Le Seigneur, après la résurrection, donna la science à Jacques le juste et à Jean et à Pierre, et ceux-ci la donnèrent au reste des apôtres, et ceux-ci aux soixante-dix disciples, dont l’un était Barnabé. Ils étaient deux Jacques, l’un, le juste, qui, précipité du faîte du temple, fut frappé avec un bâton de foulon jusqu’à la mort et l’autre qui eut la tête coupée ».

Paul fait aussi mention de Jacques le juste quand il écrit : « Je n’ai pas vu d’autre apôtre, sinon Jacques, le frère du Seigneur ». En ce temps-là les promesses de notre Sauveur au roi des Osroèniens s’accomplirent, Thomas, cédant a une impulsion tout à fait divine, envoya donc Thaddée à Édesse pour être le héraut et l’évangéliste de la doctrine du Christ, Nous venons du reste de le montrer un peu plus haut en citant l’écrit trouvé dans cette ville. Arrivé dans ce pays, Thaddée guérit Abgar par la parole du Christ et étonna tous les habitants par les merveilles de ses prodiges ; après les avoir suffisamment disposés par ses œuvres et les avoir amenés à vénérer la puissance du Sauveur, il en lit les disciples de la doctrine de salut. Depuis lors jusqu’à maintenant, toute la ville d’Édesse est consacrée au nom du Christ ; elle garde de notre sauveur une preuve extraordinaire de sa bienfaisance à l’égard de ses habitants.

Ces choses sont tirées d’un récit ancien ; revenons à la divine Écriture. Lors du martyre d’Etienne, pendant la première et très grande persécution soulevée par les Juifs contre l’église de Jérusalem, tous les disciples, excepté les douze, se dispersèrent à travers la Judée et la Samarie ; quelques-uns, selon le dire de la divine Écriture, allèrent jusqu’en Phénicie, à Chypre et à Antioche : ils n’osaient pas encore donner aux Gentils la parole de la foi et ils l’annonçaient seulement aux Juifs. Alors Paul dévastait l’Église jusqu’à ce jour, entrait dans les maisons des fidèles, traînant hommes et femmes et les mettant en prison. Mais Philippe, l’un de ceux qui avaient été choisis avec Etienne pour être diacre, était parmi les dispersés ; il vint à Samarie et, rempli d’une vertu divine, il fit entendre le premier la parole de Dieu aux gens de ce pays. Il fut assisté d’une telle grâce divine que même Simon le Mage ainsi qu’une grande multitude furent convaincus par ses discours. Simon était à cette époque fort célèbre et il jouissait d’un tel ascendant sur ceux qu’il avait trompés par ses artifices qu’ils le tenaient pour la grande puissance de Dieu. Mais alors, étonné lui-même des merveilles que Philippe opérait en vertu d’un pouvoir divin, il s’insinua auprès de lui et feignit la foi au Christ jusqu’à ce qu’il reçût le baptême. Il est du reste une chose étonnante qui se produit jusqu’en notre temps : les partisans de celle secte immonde, depuis cette époque, se glissent encore maintenant dans l’Église à la façon de leur ancêtre comme une peste et une gale, et îls causent de graves dommages à ceux auxquels ils peuvent infuser le venin caché en eux, difficile à guérir et virulent. La plupart d’entre eux ont du reste été chassés quand leur perversité fut découverte. Simon lui-même fut ainsi démasqué par Pierre et reçut la peine qu’il méritait.

Cependant la prédication du salut faisait de jour en jour des progrès quand une providence amena d’Éthiopie un officier de la reine de ce pays (c’est une coutume antique observée encore aujourd’hui par ce peuple d’être gouverné par une femme). Le premier d’entre les gentils, cet étranger obtint de Philippe, grâce à une révélation, de participer aux mystères du Verbe divin ; il devint le premier des croyants de la terre, et, à son retour dans son pays, il fut aussi le premier, suivant la tradition, à prêcher la connaissance du Dieu de l’univers et l’avènement de notre Sauveur parmi les hommes comme source de vie. Par lui s’accomplissait la prophétie : « La première, l’Éthiopie tendra les mains vers Dieu ».

Cependant Paul, ce vase d’élection, fut proclamé apôtre, non de la part ni par l’intermédiaire des hommes, mais par la manifestation de Jésus-Christ lui-même et de Dieu le Père qui l’a ressuscité des morts : il fut déclaré digne de cette vocation par la vision et la voix qui retentit du ciel au moment de cette révélation.

Chapitre II

Comment Tibère fut vivement frappé de ce qu’il apprit par Pilate concernant le Christ

La merveilleuse résurrection du Sauveur et son ascension étaient déjà connues d’un grand nombre. En vertu d’une ancienne coutume, les gouverneurs des provinces devaient informer l’empereur régnant des événements survenus dans leur ressort, de façon à ; ce que rien n’échappât au prince. Pilate fit donc part à Tibère de ce qu’on racontait dans toute la Palestine au sujet de la résurrection de notre Sauveur Jésus-Christ, l’informant des autres merveilles de sa vie, et qu’à cause de sa résurrection le plus grand nombre croyait déjà en la divinité de Jésus. I,’empereur en référa au Sénat. Celte assemblée écarta la proposition, en apparence parce qu’elle n’avait pas été soumise à son examen préalable (c’était une loi antique qu’un dieu ne pouvait être reconnu chez les Romains que par un vote et un décret du Sénat) ; mais, en vérité, parce que l’enseignement divin et la prédication du salut n’avaient besoin ni de l’assentiment ni de la garantie d’une assemblée humaine. Le Sénat romain ayant ainsi repoussé le projet qui lui était adressé au sujet de notre Sauveur, Tibère garda sa manière de voir antérieure et n’entreprit rien de mal contre la doctrine du Christ.

C’est ce que Tertullien, homme très versé dans les lois romaines, illustre du reste et des plus célèbres à Rome nous raconte dans son Apologie. Cet ouvrage écrit en langue latine, a été traduit en grec et voici textuellement ce qu’il nous apprend de celle affaire : «  Pour traiter de l’origine de telles lois, il faut remarquer que, d’après un ancien décret, aucune divinité ne pouvait être consacrée par l’empereur à moins d’avoir été examinée par le Sénat. C’est ainsi qu’en usa Marc-Émile au sujet d’un certain dieu Alburnus. Mais que chez vous la décision des hommes donne la divinité, voilà certes qui est favorable ù notre cause. Si Dieu ne plait pas à l’homme, il ne sera pas Dieu ; de cette manière, il convint donc que l’homme fût favorable à Dieu. Tibère, sous le règne duquel le nom chrétien fit son apparition dans le monde, reçut de Palestine, où elle débuta, des informations relatives à leur doctrine ; il les transmit au sénat, laissant voir que cette croyance lui plaisait. Cette assemblée refusa d’y ajouter sa sanction, parce qu’elle n’avait pas été consultée tout d’abord. Tibère persévéra dans son sentiment et menaça de mort ceux qui accusaient les chrétiens ».

Cette disposition d’esprit était chez l’empereur, le fait d’une direction de la Providence céleste, afin que la parole de l’évangile, encore à ses débuts, pût être, sans obstacle, répandue dans tout l’univers.

Chapitre III

Comment la doctrine du Christ fut propagée en peu de temps dans le monde entier

Grâce au concours de la puissance divine, la doctrine du Sauveur, ainsi qu’une traînée de lumière, éclaira d’une façon soudaine la terre entière. Aussitôt comme l’avaient prédit les saintes écritures, la voix des évangélistes divins et des apôtres « retentit dans tout l’univers et leur parole alla jusqu’aux confins du monde ». Et dans chaque ville, dans chaque bourgade, des églises s’élevaient, se remplissaient de fidèles et ressemblaient à une aire pleine. Ceux que la tradition de leurs ancêtres et l’antique erreur retenaient encore dans la maladie invétérée d’une superstition idolâtrique ont, par la puissance du Christ, non moins que par la prédication et les miracles de ses disciples, trouvé la délivrance de leurs cruels dominateurs et des lourdes chaînes qu’ils portaient. Ils ont conspué le polythéisme diabolique et confessé qu’il n’existe qu’un seul Dieu créateur de tous les êtres. Ils l’honorent maintenant par les rites d’une piété véritable et les pratiques de la religion divine et pure que notre Sauveur a fait connaître au genre humain.

La grâce de Dieu se répandit en effet sur le reste des Gentils, et à Césarée de Palestine, Cornélius reçut le premier avec toute sa maison la foi au Christ, par le moyen d’une révélation céleste et par l’action de Pierre. Une multitude de Grecs d’Antioche crurent également lorsqu’ils eurent entendu la parole de ceux que la persécution d’Etienne avait dispersés. L’église d’Antioche fut tout à coup florissante et populeuse ; un grand nombre de prophètes de Jérusalem s’y trouvaient avec Paul et Barnabé et une foule de frères. C’est de là que jaillit comme d’une source merveilleuse et féconde le nom de chrétien) Et comme Agabus, l’un des prophètes présents, prédisait une famine, on envoya Paul et Barnabé à Jérusalem avec mission de soulager les frères.

Chapitre IV

Après Tibère, Caïus établit Agrippa roi des juifs et condamne Hérode à l’exil perpétuel

Tibère régna environ vingt-deux ans et mourut ; Gaius lui succéda à l’empire. Il donna aussitôt le diadème du commandement sur les Juifs à Agrippa, l’établit roi des tétrarchies de Philippe et de Lysanias, et peu après, y ajouta celle d’Hérode. Ce dernier (le même qui régnait au temps de la passion du Sauveur) fut. à cause de ses crimes nombreux, puni, ainsi que sa femme Hérodiade, de l’exil perpétuel comme en témoigne Josèphe (voyez l’Appendice).

Ce fut sous Gaïus que florissait le Juif Philon, l’homme le plus remarquable non seulement des nôtres, mais aussi de ceux qui se rattachent à une doctrine étrangère. Sa famille était parmi les anciennes familles juive » et, parmi ceux qu’illustrait leur situation dans Alexandrie, il n’était inférieur à personne. Chacun sait combien il a pris de peine aux sciences divines et à celles qui sont en honneur dans sa patrie ; quant au talent dont il a fait preuve en philosophie et dans les études profanes, il est inutile de le signaler. Il dépassait tous ses contemporains dans la connaissance des doctrines de Platon et de Pythagore auxquelles il s’était surtout attaché.

Chapitre V

Philon est envoyé en ambassade auprès de Gaïus pour les Juifs

Philon raconte en cinq livres ce qui est arrivé aux Juifs sous Gaïus (voyez l’Appendice) ; il rapporte la lie de ce prince, il dit comment il se fit proclamer dieu et se permit des abus sans nombre dans l’exercice du pouvoir. Il décrit les outrages que les Juifs eurent à supporter sous ce règne et l’ambassade dont il fut chargé, envoyé à Rome par ses congénères d’Alexandrie. Il affirme que parlant devant Gaïus des lois de ses pères, il n’obtint que moquerie et dérision, et pour un peu sa vie même eût été en danger. Josèphe, dans le dix-huitième livre de l’Antiquité, mentionne aussi ces événements dans les termes suivants : « Un soulèvement se produisit à Alexandrie entre les Juifs domiciliés en ce pays et les Grecs. Trois membres de chaque parti furent choisis et comparurent devant Gaïus. L’un des ambassadeurs alexandrins, Apion, dit beaucoup de mal des Juifs : entres autres accusations, il allégua d’abord qu’ils se souciaient peu de rendre les honneurs dus à César : tandis que tous les sujets de l’empire élevaient des autels et des temples à Gaïus, le traitant en tout comme les dieux, les Juifs seuls pensaient qu’il était déraisonnable de l’honorer par des statues et de jurer par son nom. Apion allégua beaucoup de griefs fort graves, destinés à exciter la colère de Gaïus et assortis à ce but. Philon, le chef de l’ambassade juive, homme très illustre, frère d’Alexandre l’alabarque, habile philosophe, était capable de repousser les accusations. Gaïus lui ferma la bouche et lui ordonna de se retirer : il paraissait du reste fort irrité et sur le point de sévir contre les envoyés juifs. Philon sortit donc, grossièrement outragé, et il dit aux siens qui l’entouraient : « Courage, les paroles et la colère de Gaïus tombent sur nous, mais en réalité il se fait de Dieu un ennemi ».

Voilà ce que rapporte Josèphe.

Philon, dans l’écrit qu’il intitula L’Ambassade, raconte lui-même en détail et d’une façon précise ce qu’il fit dans celte circonstance. Je laisserai la plus grande partie de son récit et je rapporterai seulement ce qui sera nécessaire pour montrer clairement ce qui est arrivé aux Juifs aussitôt et sans tarder à cause de l’attentat contre le Christ.

Philon rapporte d’abord que sous Tibère, Séjan très puissant parmi ceux qui entouraient alors l’empereur, mettait tout en œuvre pour détruire tout le peuple juif dans la ville de Rome. En Judée d’autre part, Pilate, sous lequel eut lieu la passion du Sauveur, se permit au temple de Jérusalem, qui existait encore, des choses interdites par la loi juive et excita ainsi les plus grands troubles.

Chapitre VI

Nombreux malheurs arrivés aux Juifs après le meurtre du Christ

Après la mort de Tibère, Gaïus obtint l’empire et il fit sentir sa violence à beaucoup de gens, en beaucoup de rencontres, mais il ne nuisit à personne plus qu’à toute la race juive. On peut s’en rendre compte rapidement dans ce passage de Philon dont voici le texte : « Gaïus avait un caractère tout à fait anormal pour tout le monde, mais à un tout autre degré pour la race des Juifs. Il les poursuivait durement de sa haine, s’emparait des oratoires qu’ils avaient dans les villes, à commencer par ceux d’Alexandrie, pour les remplir des images et des statues de sa propre personne ; car permettre à d’autres de les y placer c’était bien le faire lui-même. Le temple de la ville sainte, demeuré inviolable jusque là, et jouissant du droit d’asile complet, fut désaffecté et il le changea en son propre sanctuaire qui fut consacré au Nouveau Jupiter Visible, à Gaïus ».

Il arriva aux Juifs d’Alexandrie sous ce prince bien d’autres malheurs qui dépassent ce qu’on en peut raconter. Le même écrivain les a rapportés dans un autre ouvrage qu’il a intitulé Des Vertus. Josèphe s’accorde avec lui pour constater que les calamités qui accablèrent le peuple juif tout entier, commencèrent au temps de Pilate et de leur criminelle entreprise contre le Sauveur. Voici ce qu’il écrit en propres termes au second livre de la Guerre des Juifs : « Envoyé en Judée par Tibère avec le titre de procurateur, Pilate introduisit à Jérusalem pendant la nuit sous un voile les images de César qu’on appelle enseignes. Avec le jour, cela excita un très grand tumulte parmi les Juifs ; ceux-ci en effet s’étant approchés, ils furent frappés de stupéfaction à cette vue ; leurs lois étaient foulées aux pieds, car il était interdit de dresser aucune image dans la ville ».

Si l’on compare ceci avec ce que l’Évangile nous raconte, on verra qu’il fallut peu de temps pour que se retournât contre eux le cri qu’ils poussaient devant le même Pilate et par lequel ils proclamaient qu ils ’avaient pas d’autre roi que César.

Le même écrivain nous raconte ensuite en ces fermes un autre malheur qui les atteignit : « Après cela, dit-il, Pilate fit naître une autre sédition. Il s’empara du trésor sacré, appelé Corban. Il voulait s’en servir pour amener l’eau à Jérusalem : elle était à trois cents stades de là. Ce fut la cause d’un soulèvement de la multitude. Lorsque Pilate vint à Jérusalem, les Juifs l’entourèrent en poussant des cris ; mais il avait prévu ce trouble et avait pris la précaution de mêler à la foule des soldats armés et vêtus d’habits ordinaires. Ils avaient l’ordre de ne pas se servir de leurs épées, mais de frapper à Coups de bâton les mécontents qui crieraient. Pilate donna lui-même le signal de son siège. Ainsi frappés, ’es Juifs ou bien périssaient sous les coups ou bien s’écrasaient les uns les autres dans le désordre de la fuite. Le peuple, effrayé à la vue du malheur de ceux qui étaient morts, rentra dans le silence ».

Le même nous dit qu’il y eut encore beaucoup d’autres révolutions dans la ville même de Jérusalem : il ajoute qu’à partir de cette époque, les séditions, les guerres et les calamités de toutes sortes se succédèrent sans interruption tant à Jérusalem que dans toute la Judée, jusqu’au dernier siège qui arriva sous Vespasien. Voilà comment la justice divine vengea les crimes que les Juifs commirent contre le Christ.

Chapitre VII

Comment Pilate se suicida

Il n’est pas à propos d’omettre ce que l’on raconte de Pilate qui vivait au temps du Sauveur. On dit que sous Gaïus, dont nous avons vu l’époque, de tels malheurs fondirent sur lui qu’il devint par force son propre meurtrier et son propre bourreau : la justice divine r »e parut mettre envers lui aucun retard. Ceci nous est raconté par les écrivains grecs qui nous ont laissé la suite des olympiades avec les événements survenus à leur date.

Chapitre VIII

La famine sous Claude

Cependant le règne de Gaïus ne dura pas tout à fait quatre ans et l’empereur Claude lui succéda. Sous ce prince, une famine désola le monde. Même les écrivains éloignée de notre croyance mentionnent le fait dans leurs écrits. La prédiction du prophète Agabus qui se trouve aux Actes des apôtres et qui annonçait ce fléau pour toute la terre, reçut ainsi son accomplissement. Luc parle de celle famine, qui arriva sous Claude, et il raconte que les frères d’Antioche envoyèrent à ceux de Judée par Paul et Barnabé ce que chacun d’eux avait en abondance ; et il ajoute :

Chapitre IX

Martyre de l’apôtre Jacques

« En ce temps-là (à savoir sous le règne de Claude), le roi Hérode entreprit de maltraiter quelques membres de l’Église : il fit périr par le glaive Jacques, frère de Jean ». Clément, dans la septième des Hypotyposes, rapporte de ce Jacques un trait digne de mémoire ; il l’a appris de la tradition des ancêtres. Celui qui l’avait amené devant le tribunal, l’entendant rendre témoignage, fut ébranlé et confessa lui aussi qu’il était chrétien.

«  On les emmena, dit-il, tous deux au supplice, et en chemin celui-ci pria Jacques de lui pardonner. L’apôtre réfléchit un instant : « La paix soit avec toi », dit-il, et il l’embrassa. Et ainsi tous deux furent en même temps décapités ».

Alors, dit la sainte Écriture, Hérode, ayant vu que la mort de Jacques avait plu aux Juifs, s’attaqua aussi à Pierre, le jeta en prison et peu s’en fallut qu’il ne le fît également mourir. Mais, grâce à une manifestion de Dieu, un ange apparut au captif pendant la nuit et le délivra miraculeusement de ses liens ; l’apôtre était réservé pour le ministère de l’évangile. Telle fut la disposition des événements à l’égard de Pierre.

Chapitre X

Commetn Agrippa, pour avoir persécuté les apôtres éprouva sur-le-champ la vengeance divine

Le prince reçut sans retard le châtiment de son entreprise contre les apôtres et le ministre vengeur de la divine justice le poursuivit aussitôt. Immédiatement après les avoir persécutés, ainsi que l’apprend le récit des Actes, il partit pour Césarée. Là, un jour de fête solennelle, revêtu d’un magnifique manteau royal, il haranguait la foule du haut d’une tribune. Le peuple entier acclamait son discours et disait entendre, non pas un homme, mais un dieu ; tout à coup, l’Écriture raconte qu’un ange du Seigneur le frappa et il périt rongé par les vers.

Il faut remarquer aussi à propos de ce miracle accord qui existe entre l’Écriture sainte et le récit de Josèphe. Dans le dix-neuvième livre de l’Antiquité, ce dernier rend un éclatant témoignage à la vérité et rapporte en ces termes ce fait étonnant : «  Agrippa avait achevé la troisième année de son règne sur toute la Judée et était entré dans Césarée, appelée autrefois Tour de Straton. Il savait qu’on avait institué cette fête pour le salut de César et il y ordonna des pompes en son honneur. Une foule s’y pressait, composée de fonctionnaires de la province et des hommes admis aux honneurs. Au second jour des fêtes, il revêtit un manteau fait entièrement d’un tissu d’argent merveilleux et alla de grand matin à l’amphithéâtre. Alors l’argent enflammé par les rayons du soleil levant se mit à briller avec un éclat tellement surprenant que ceux qui le regardaient en face en étaient effrayés et tremblaient. Bientôt les courtisans lui adressèrent de tous côtés de pernicieuses flatteries, lui donnant le titre de dieu et ajoutant : « Sois-nous propice, » ou encore : « Jusqu’ici, nous t’avons craint comme un homme ; mais, dès cette heure, nous confessons que tu as une nature supérieure à celle des mortels ». Le roi ne réprimait ni ne repoussait ces louanges inconvenantes ; mais peu après, levant les yeux, il aperçut un ange posté au-dessus de sa tète. Aussitôt il pensa que ce génie serait l’auteur de sa perte, comme il l’avait été autrefois de son bonheur, et il ressentit une souffrance extrêmement douloureuse.

«  Il éprouva des déchirements d’entrailles qui se déclarèrent avec une violence inouïe et subite. Alors il regarda ses amis en disant : « Moi qui suis votre dieu, je reçois déjà l’ordre de quitter la vie. Le destin confond sans tarder vos paroles mensongères. Je suis appelé par vous immortel, au moment même où je suis entraîné par la mort. Mais il faut bien accepter la fatalité comme un dieu le veut. Je n’ai jamais vécu dans la misère, mais dans une grandeur heureuse, » En disant cela, il était tourmenté par l’aiguillon de la douleur.

« [8j On s’empressa de le porter au palais et le bruit circula dans toute la ville qu’il était à l’article de la mort. Aussitôt, le peuple avec les femmes et les enfants s’étendirent sur des sacs selon la coutume de leur pays et adressèrent à Dieu des supplications pour le roi : tout retentissait de pleurs et de gémissements. Agrippa couché dans une chambre haute, regarda en bas, vit ces gens prosternés et ne put lui non plus retenir ses larmes. Cinq jours durant, il fut torturé par ces douleurs d’entrailles, puis il mourut dans la cinquante-quatrième année de son âge, la septième de son règne. Il avait en effet tenu le sceptre pendant quatre ans sous l’empereur Gaïus. Pendant les trois premières années, il avait gouverné la tétrarchie de Philippe ; la quatrième, il reçut celle d’Hérode, et régna encore trois ans sous Claude ».

(10] Je suis frappé, ici comme ailleurs, de la ressemblance de ce récit de Josèphe avec celui des divines Écritures. Si l’on allègue la différence de nom du roi, le temps et le fait montrent bien qu’il s’agit du même personnage. Il y aura eu une erreur de transcription qui aura changé le nom du prince ou bien celui-ci avait deux noms ainsi que beaucoup d’autres (voyez l’Appendice).

Chapitre XI

Le magicien Theudas

Au livre des Actes, Luc nous dit en outre que Gamaliel, dans le conseil tenu au sujet des apôtres, parla d’un Theudas qui parut à cette époque même, prétendit être quelqu’un et fut tué avec tous ceux qu’il avait entraînés. Il n’est pas hors de propos de comparer son récit avec celui de Josèphe. Voici donc ce que cet historien raconte encore en propres termes au livre cité tout à l’heure.

«  Lorsque Fadus gouvernait la Judée, un magicien du nom de Theudas persuada à une foule de gens de prendre leurs biens avec eux et de le suivre vers le Jourdain : il se disait prophète, à son commandement les eaux du fleuve devaient se diviser et leur laisser un chemin facile. Par ces discours, il en séduisit un grand nombre. Fadus ne les laissa pas jouir de leur folie ; il expédia un détachement de cavaliers qui fondirent sur eux à l’improviste, en tuèrent beaucoup et firent un grand nombre de prisonniers. Theudas était de ces derniers ; on lui coupa la tête et on l’apporta à Jérusalem ».

Josèphe relate ensuite la famine qui arriva sous Claude, il le fait en ces termes :

Chapitre XII

Hélène reine des Adiabeniens

« Sous ces procurateurs, dit-il, il y eut la grande famine de Judée, pendant laquelle la reine Hélène acheta à grands frais du blé en Égypte et le fit distribuer à ceux qui en manquaient ».

Ceci s’accorde encore avec le récit des Actes des Apôtres où nous voyons que les disciples d’Antioche fixèrent, chacun selon ses moyens, ce qu’ils pouvaient envoyer à ceux de la Judée. Les secours furent en effet portés aux anciens par l’intermédiaire de Barnabé et de Paul. On trouve encore aujourd’hui des stèles remarquables de cette Hélène dont parle Josèphe, dans les faubourgs de la ville qui porte aujourd’hui le nom d’Aelia. Il y est dit qu’elle a régné sur la nation des Adiabéniens.

Chapitre XIII

Simon le mage

Mais la foi à notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ se répandait déjà chez tous les hommes : l’ennemi de leur salut s’efforça de la devancer dans la ville des Césars pour s’en emparer. Il y conduisit Simon dont nous avons déjà parié, et grâce aux habiles supercheries de cet homme qu’il secondait, it entraîna dans l’erreur un grand nombre de Romains. Nous tenons ceci de Justin qui vécut peu après les apôtres et s’illustra dans l’exposition de notre doctrine. Je dirai de lui en temps opportun ce qui convient. Voici ce qu’il dit dans sa première apologie de notre doctrine adressée à Antonio (voyez l’Appendice) : « Après l’ascension du Seigneur au ciel les démons inspirèrent à certains hommes de se dire dieux. Non seulement vous ne les avez pas poursuivis, mais vous leur avez décerné des honneurs. Simon, samaritain du bourg de Gitthon, qui sous l’empereur Claude faisait, avec l’aide des démons, des merveilles de magie a été regardé comme dieu dans votre ville impériale de Rome. Il a été honoré d’une statue comme une divinité, sur Tibre, entre les deux ponts, avec cette inscription latine « Simoni Deo sancto », c’est-à-dire « À Simon Dieu saint ». Presque tous les Samaritains et quelques-uns chez d’autres peuples croient en lui et l’adorent comme leur premier dieu. Ils appellent sa première pensée une certaine Hélène qui le suivait alors partout et qui auparavant était attachée à une maison de débauches, à Tyr en Phénicie ».

Voilà ce que dit Justin, et Irénée est d’accord avec lui. Au premier livre de son ouvrage Contre les hérésies, il expose ce qu’était cet homme aussi bien que sa doctrine impie et sacrilège. Mais il est superflu de le rapporter ici. Il est loisible à qui le voudra de trouver encore ce qui concerne chacun des hérésiarques qui vinrent après lui avec leur début, leur vie, les principes de leurs dogmes mensongers et leurs entreprises à eux tous ; tout cela dans le livre indiqué d’Irénée est traité avec soin. Nous y apprenons que Simon fut le premier chef de toute hérésie ; ceux qui, depuis cette époque jusqu’à nos jours, suivent son erreur, feignent de pratiquer la philosophie des chrétiens faite de tempérance et si célèbre auprès de tous pour la pureté qu’elle impose à la vie ; mais ils retombent bientôt dans le culte superstitieux des idoles qu’ils avaient paru laisser. Ils vénèrent les écrits et les images de Simon et d’Hélène, sa compagne, dont nous avons parlé ; à tous les deux ils témoignent leur culte par l’usage de l’encens, des sacrifices et des libations. Quant à leurs pratiques plus secrètes dont le seul récit, disent-ils, étonne et, selon l’expression consacrée chez eux, produit la stupeur (voyez l’Appendice), elles sont en effet vraiment stupéfiantes, pleines d’égarement d’esprit et de folie. Non seulement leur nature ne permet pas d’en donner la description, mais quiconque se respecte ne peut les raconter de vive voix tant l’obscénité et l’indicible y dépasse les bornes. [8j Tout ce qu’on peut imaginer de plus honteux et de plus souillé a été dépassé par l’abominable hérésie de ces gens qui abusent de misérables femmes chargées véritablement de toutes les turpitudes.

Chapitre XIV

Prédication de l’apôtre Pierre à Rome

Le père et l’artisan de tous ces maux fut Simon, À cette époque la puissance malfaisante, haineuse du bien, et ennemie du salut des hommes, le suscita comme on digne adversaire des grands et saints apôtres de notre Sauveur.

Mais la grâce divine et supracéleste fut l’auxiliaire de ses serviteurs ; dès qu’ils parurent et se montrèrent, elle éteignit au plus vile les flammes allumées par le méchant et se servit d’eux pour abaisser et détruire tout orgueil qui s’élève contre la science de Dieu. Aussi bien, en ces temps apostoliques, aucune machination ne se produisit de la part de Simon, non plus d’aucun autre alors. L’éclat de la vérité subjuguait et dominait tout. Le Verbe de Dieu lui-même venait de luire divinement sur les hommes, il était dans toute sa force sur la terre et il régnait dans ses propres apôtres. Alors le magicien dont nous parlons eut les yeux de l’esprit éblouis comme par une lumière divine et miraculeuse, dès qu’en Judée il fut convaincu de ses entreprises criminelles par l’apôtre Pierre : il fit donc un grand voyage d’outre-mer et s’enfuit d’Orient en Occident, croyant que lù seulement il pourrait vivre à sa guise.

Il vint à Rome et la puissance qui était établie dans cette ville l’y assista pour de grands prodiges. Ses affaires allèrent rapidement si bien qu’il fut, ainsi qu’un dieu, honoré d’une statue par les gens de ce pays.

Sa prospérité ne fut pas de longue durée ; tout au début du même règne de Claude, la Providence divine dans son entière bonté et son amour immense pour les hommes, conduisit par la main à Rome, comme contre ce fléau du monde, Pierre, le courageux et grand apôtre qui surpassait tous les autres par sa vertu : ainsi qu’un vaillant capitaine des armées de Dieu, il venait muni d’armes célestes et apportait d’Orient aux hommes d’Occident la marchandise précieuse de la lumière spirituelle. Il prêcha la lumière elle-même et le Verbe sauveur des âmes, annonçant le royaume des cieux.

Chapitre XV

L’Évangile de Marc

La parole de Dieu se répandait ainsi chez les Romains et la puissance de Simon s’éteignit et disparut aussitôt avec lui.

Mais la lumière de la religion brilla d’un tel éclat dans l’esprit des auditeurs de Pierre que ce ne leur fut pas suffisant d’avoir entendu seulement l’exposé oral de cette prédication divine. Ils firent toutes sortes d’instances auprès de Marc, l’auteur de l’Évangile qui nous est parvenu et le compagnon de Pierre, pour qu’il leur laissât un livre qui leur fût un mémorial de l’enseignement donné de vive voix par l’apôtre, et ils ne cessèrent leurs demandes qu’après avoir été exaucés. Ils furent ainsi la cause de la rédaction de l’Évangile selon Marc. Pierre connut, dit-on, le fait par une révélation de l’Esprit et il se réjouit d’un pareil zèle : il autorisa l’usage de ce livre pour la lecture dans les églises. Clément rapporte ceci dans sa sixième Hypotypose et l’évêque d’Hiérapolis, Papias, le confirme de son propre témoignage.

Pierre fait mention de Marc dans la première épître qu’il composa, dit-on, à Rome même : il l’indique du reste en appelant cette ville du nom métaphorique de Babylone dans ce passage : « L’église élue avec vous de Babylone vous salue, ainsi que Marc mon fils ».

Chapitre XVI

Marc le premier prêcha la connaissance du Christ en Égypte

On raconte que ce même Marc fut le premier envoyé en Égypte ; il y prêcha l’évangile qu’il avait écrit et établit des églises d’abord à Alexandrie même.

Dès le début le nombre des croyants parmi les hommes et les femmes y fut si grand, leur manière de vivre si conforme à la sagesse et si austère que Philon jugea à propos de raconter leurs occupations., leurs assemblées, leurs repas et tout leur train de vie.

Chapitre XVII

Ce que Philon raconte des ascètes d’Égypte

Sous le règne de Claude, Philon serait, dit-on, venu Rome et entré en relations avec Pierre qui y prêchait alors. Le fait ne serait pas invraisemblable ; car la dissertation dont nous parlons, entreprise par lui dans la suite et après un certain temps, expose clairement les les de l’Église qui sont en vigueur de nos jours encore parmi nous. Au reste, quand il décrit, avec toute l’exactitude possible, la vie de nos ascètes, il paraît avec évidence non seulement connaître, mais approuver, préconiser et vénérer ces hommes apostoliques dont il est le contemporain : ils étaient, semble-t-il, de race hébraïque ; car ils observaient encore assez complètement à la manière juive la plupart des coutumes anciennes.

Philon assure d’abord que, dans le livre qu’il a écrit De la vie contemplative ou des suppliants, il n’a rien ajouté à ce qu’il devait raconter, qui soit en dehors de vérité ou qui vienne de lui même. Il dit qu’on les nommait Thérapeutes ; et Thérapeutrides, les femmes qui habitaient avec eux. Puis, il donne les motifs de celte appellation, qui leur fut donnée soit parce qu’ils soignaient et guérissaient les âmes de ceux qui allaient eux, les délivrant, ainsi que des médecins, des souffrances du vice, soit en raison des soins chastes et purs et du culte qu’ils rendaient à la divinité. Du reste que Philon les ait désignés par ce terme qui répondait parfaitement à leurs occupations, ou qu’en fait, on les ait appelés d’abord ainsi dès le début, le nom de chrétiens n’étant pas en usage partout, il est inutile de s’y arrêter. Philon rapporte donc que d’abord ils renonçaient à leurs biens. Il dit que ceux qui s’adonnaient à cette philosophie, transféraient d’abord leur fortune à leurs parents ; puis, une fois libres de tous les soucis du siècle, ils sortaient des villes et allaient habiter des champs à l’écart et des jardins. Ils étaient persuadés que la compagnie d’hommes différents d’eux-mêmes leur était inutile et [illisible. Ils faisaient alors cela ainsi, comme il convient, avec une foi généreuse et très ardente s’exerça ni à imiter la vie des prophètes. Le livre des Actes des Apôtres qui est reçu de tous, porte d’ailleurs que tous les disciples des apôtres vendaient, eux aussi, leur fortune et leurs biens et les distribuaient à chacun selon ses besoins, tellement qu’il n’y avait aucun indigent parmi eux. Ceux qui possédaient des terres ou des maisons, dit l’Écriture, les vendaient et venaient eu déposer le prix aux pieds des apôtres pour que la répartition en fût faite à chacun, selon qu’il était nécessaire.

Philon rend le même témoignage de ces thérapeutes en question et voici textuellement ce qu’il ajoute : « Il y a de ces hommes en beaucoup de pays de la terre et il fallait que les barbares eussent part à ce bien parfait aussi bien que les Grecs. Mais c’est en Égypte qu’ils sont le plus nombreux ; ils sont répandus dans chacune des divisions appelées nomes, et surtout aux environs d’Alexandrie. Les meilleurs d’entre ceux de tous les pays sont envoyés en colonie dans un pays tout à fait approprié et qui est comme la patrie des thérapeutes. Il est situé au delà du lac Maréotis, sur une butte de faible élévation. Cet endroit leur convient admirablement, aussi bien à cause de la sécurité qu’il présente que pour la salubrité du climat ».

Philon décrit ensuite leurs maisons et voici ce qu’il dit des églises de leur pays : « Dans chaque demeure, il y a un oratoire appelé maison religieuse et monastère. C’est là que les thérapeutes se retirent pour accomplir seuls les mystères de leur sainte vie. Us n’apportent avec eux ni boisson, ni vivres, ni rien de tout ce qui est nécessaire aux besoins du corps, mais les lois, les oracles rendus par les prophètes, les hymnes et les autres choses qui peuvent les aider à augmenter et à perfectionner leur science et leur piété ».

Plus loin il ajoute : «  Le temps qui s’écoule de l’aube au crépuscule est celui de l’ascèse. Ils lisent les saints livres et philosophent sur les doctrines de leurs ancêtres d’après la méthode allégorique. Ils pensent en effet que la parole elle-même est le symbole des choses cachées qui se manifestent dans l’allégorie. Ils ont aussi des ouvrages d’hommes anciens qui furent les premiers chefs de leur secte et qui ont laissé de nombreux monuments de leur système sous forme d’allégorie. Ils s’en servent comme de modèles et imitent leur genre de philosophie ».

Un tel langage paraît bien être celui d’un homme qui les aurait entendus expliquer les saintes Écritures. Ce qu’il appelle les livres des anciens est peut-être vraisemblablement les évangiles et les écrits des apôtres, ainsi que certaines expositions des anciens prophètes, telles qu’on en trouve dans l’Épître aux Hébreux et les nombreuses autres lettres de Paul. Quant aux psaumes nouveaux qu’ils composent, voici ce que Philon en écrit tout aussitôt : « Ils ne se contentent pas de méditer, ils composent des chants et des hymnes à Dieu, en divers mètres et sur diverses mélodies, ne choisissant du reste forcément que des nombres très graves ».

Philon raconte encore beaucoup d’autres particularités dans ce même ouvrage ; il m’a paru nécessaire de choisir celles où l’on peut saisir le caractère de la vie ecclésiastique. S’il paraît à quelqu’un que cette description ne s’applique pas au genre de vie évangélique, mais qu’elle peut convenir à d’autres qu’à ceux qui ont été indiqués, ce qu’en dit ensuite Philon le persuadera. Il y a là un témoignage irréfragable pour tout homme de sens droit. Voici ce qu’il écrit :   « Ils jettent d’abord dans l’âme, comme un fondement, la tempérance, et élèvent ensuite l’édifice des autres vertus. Personne parmi eux ne mange ni ne boit avant le coucher du soleil ; ils pensent que le temps de la lumière est celui de la philosophie et que celui des ténèbres convient aux nécessités du corps : à celle-là,, ils consacrent [le jour ; aux autres, une courte partie de la nuit. Quelques-uns même ne pensent à prendre des aliments que tous les trois jours, tant est grand leur désir de la science. Certains sont dans une telle joie et une telle jouissance, quand ils se nourrissent de la sagesse qui leur présente ses principes, avec abondance et sans compter, qu’ils passent presque un temps double sans manger, et c’est à peine s’ils goûtent à des mets nécessaires tous les six jours ».

Il nous semble que ces paroles montrent d’une façon claire et indiscutable que Philon a parlé de nos coreligionnaires. Si toutefois quelqu’un résiste encore à l’admettre, voici des preuves plus évidentes qui auront raison de son obstination, parce qu’elles ne peuvent avoir de fondement que dans la religion des chrétiens qu’inspire l’Évangile. Car il ajoute qu’il y a parmi ceux dont il est question, des femmes, mais elles sont la plupart arrivées à la vieillesse et ont gardé la virginité. La chasteté n’est pas pour elles une contrainte, comme pour certaines prêtresses grecques ; elles la conservent par libre choix et parce qu’elles désirent et recherchent la sagesse ; le désir d’en vivre leur a fait se refuser les joies du corps. Elles se perpétuent, non point par une descendance périssable, mais par des rejetons immortels que l’âme éprise de Pieu peut seule enfanter.

Plus loin, il dit encore plus expressément : « L’explication des saintes lettres se fait chez eux par des figures et des allégories. Pour eux, la loi tout entière ressemble à un être vivant ; l’arrangement des paroles est le corps, l’âme est le sens invisible qui se cache dessous les mots : c’est celui-ci que cette secte cherche avant tout à contempler, essayant de découvrir dans le miroir des mots la merveilleuse beauté de la pensée qui s’y reflète ».

Qu’est-il besoin de parler encore de leurs assemblées dans un même lieu et des occupations des hommes, séparées de celles des femmes, mais réunies chacune dans un même endroit ? Qu’est-il besoin de rappeler leurs exercices ? Ils sont encore de nos jours en usage parmi nous. Nous nous y adonnons surtout au temps de la passion du Sauveur, que nous passons dans le jeûne, les veilles et la méditation des saintes Écritures. Dans ce que l’auteur dont nous parlons rapporte, nous trouvons très exactement, la même coutume que nous seuls observons jusqu’à maintenant. Il raconte les veillées de la grande fête et les exercices qu’on y pratique, les hymnes que nous avons l’habitude de chanter ; il dit que l’un d’eux chante seul en gardant avec soin le rythme, et que les autres l’écoulent en silence et ne chantent après lui que la fin des hymnes. Ces jours-là, ils couchent par terre sur une natte ; ils ne boivent absolument pas de vin, ainsi que l’affirme expressément Philon ; ils s’abstiennent de toute espèce de viandes : l’eau est leur seul breuvage et, avec leur pain, ils ne prennent que du sel et de l’hysope. Philon décrit en outre l’ordre de préséance des ministres du culte ecclésiastique ; il dit les fonctions du diacre et la présidence de l’évêque élevé au-dessus de tous. Quiconque au reste désire examiner avec précision ce sujet, pourra s’en instruire dans les livres de notre écrivain. Mais que Philon ait pensé aux premiers prédicateurs de la doctrine évangélique et aux institutions établies dès l’origine par les apôtres, c’est évident pour tous.

Chapitre XVIII

Livres de Philon parvenus jusqu’à nous

Écrivain abondant, large dans ses conceptions, élevé et sublime dans ses théories sur l’Écriture, Philon a élaboré l’exposition variée et ingénieuse des livres sacrés. Il a d’abord expliqué avec suite et ordre le récit de la Genèse dans un ouvrage intitulé Allégorie des lois saintes, puis, il a traité à part et en détail les questions dé certains chapitres de la Bible, proposant et résolvant les difficultés ; il a conséquemment appelé son ouvrage : Problèmes et solutions sur la Genèse et l’Exode. En outre, on a de lui des écrits sur diverses questions particulières. Tels sont les deux livres Sur l’Agriculture, autant Sur l’Ivresse ; d’autres qui portent des titres divers assortis à leur sujet : tels le traité Sur ce qu’un esprit sobre désire et déteste et Sur la confusion des langues ; l’écrit Sur la fuite et l’invention ; l’écrit Du groupement pour la formation de la jeunesse ; Quel est l’héritier des choses divines ou De la division en parties égales et inégales ; Des trois vertus que Moïse a décrites avec d’autres. En outre : un traité Sur les changements de noms et leurs causes, dans lequel il dit avoir écrit aussi un ouvrage Sur les Testaments, livres I et II. On a encore de lui De l’émigration et De la vie du Sage parfait selon la justice ou des lois non écrites ; Des géants ou de l’immutabilité divine ; Que les songes, selon Moïse, viennent de Dieu, livres I, II, III, IV, V. Telles sont les œuvres qui sont venues jusqu’à nous de celles Sur la Genèse. Concernant l’Exode, nous connaissons des livres de Questions et réponses, I, II, III, IV, V ; le traité Sur le tabernacle, celui Du Décalogue ; Sur les lois particulières qui concordent avec les points principaux des dix commandements, I, II, III, IV ; Sur les animaux des sacrifices et quelles sont les espèces de sacrifices ; Sur les affirmations de la loi concernant les récompenses des bons, les peines et malédictions réservées aux méchants.

En outre de tous ces écrits, on cite encore de lui d’autres ouvrages d’un seul livre comme : Sur sa providence, le discours composé par lui Sur les Juifs, Le politique, et encore Alexandre ou que les animaux muets ont une raison ; de plus, le traité sur Quiconque pèche est esclave, avec la suite, Quiconque est vertueux est libre. Après ces ouvrages il a composé : De la vie contemplative ou des suppliants, d’après lequel nous avons exposé ce qui concerne la vie des hommes apostoliques. Les interprétations des noms hébreux qui se trouvent dans la loi et les prophètes lui sont attribuées comme son œuvre. Philon étant venu à Rome sous Gaïus raconta les impiétés de ce prince dans un écrit qu’il intitula avec finesse et ironie Des vertus. On dit que, sous le règne de Claude, il lut son œuvre en plein Sénat ; on l’admira tellement qu’on fit à ses ouvrages l’honneur de les admettre dans les bibliothèques.

À cette époque, comme Paul achevait sa tournée de Jérusalem jusqu’en Illyricum. Claude chassait les Juifs de Rome. Aussi Aquila et Priscille avec leurs compagnons juifs en étant sortis, débarquèrent en Asie. Ils y rencontrèrent Paul et demeurèrent avec lui, tandis qu’il affermissait les fondements des églises qu’il avait récemment établies. Voilà ce que nous apprend le texte sacré des Actes.

Chapitre XIX

Malheurs arrivés aux Juifs à Jérusalem le jour de pacques

Claude régnait encore lorsqu’au moment de la fête de Pâques, il se produisit à Jérusalem une sédition et un tumulte tellement épouvantable que, seulement des Juifs qui se bousculaient aux portes du temple, trente mille périrent en s’écrasant les uns les autres ; la fête devint un deuil pour la nation et un sujet de larmes pour chaque famille. C’est ce que dit textuellement Josèphe.

Claude établit roi des Juifs Agrippa, fils d’Agrippa, et envoya Félix comme procurateur de tout le pays de Samarie et de Galilée, et en outre du pays appelé Pérée. Pour lui, après treize années et huit mois de règne, laissant Néron comme successeur, il mourut.

Chapitre XX

Ce qui arriva à Jérusalem sous Néron

Sous le règne de Néron, tandis que Félix gouvernait Judée, la discorde s’éleva parmi les prêtres : Josèphe le décrit encore en ces termes dans le vingtième livre des Antiquités.

«  Les grands prêtres entrèrent en lutte contre les prêtres et les premiers citoyens de Jérusalem. Chacun d’eux s’étant fait une garde des hommes les plus hardis et les plus entreprenants marchait à leur tête ; et c’était à chaque rencontre une grêle d’insultes et de pierres. Il n’y avait personne pour s’opposer à ces rixes ; mais, comme dans une ville sans magistrats, elles avaient lieu en toute liberté. Les grands prêtres portaient l’impudence et l’audace jusqu’à oser envoyer leurs serviteurs pour enlever dans les granges les dîmes qui étaient dues aux prêtres. Il arriva même qu’on vit mourir de faim ceux d’entre eux qui étaient pauvres. À ce point l’emportait sur tout droit la violence des séditieux ».

Le même écrivain raconte encore qu’à cette époque une espèce de brigands se forma à Jérusalem, qui en plein jour et en pleine ville, selon son expression, tuaient ceux qu’ils rencontraient, C’était surtout aux jours de fête qu’ils se mêlaient à la foule. Ils tenaient cachées sous leurs habits des épées courtes avec lesquelles ils frappaient les personnes étrangères à leur parti (voyez l’Appendice). Aussitôt que celles-ci tombaient, parmi ceux qui s’indignaient, se trouvaient les meurtriers, et grâce à cette apparence honnête ils demeuraient tout à fait introuvables. Sous leurs coups tomba d’abord le grand prêtre Jonathan, et après lui, chaque jour, beaucoup périrent. La peur fut encore plus pénible que le mal ; car chacun, comme dans une guerre, attendait la mort d’un moment à l’autre.

Chapitre XXI

De l'égyptien dont parlent les actes des apôtres

Ensuite, après d’autres choses, Josèphe ajoute : « L’Égyptien faux prophète fit encore plus de mal aux Juifs. C’était un magicien qui arriva dans le pays et fit croire qu’il était prophète ; il rassembla environ trente mille dupes et les amena du désert sur le mont des Oliviers. De là, il était capable d’aller forcer Jérusalem de réduire la garnison romaine et d’asservir le peuple avec l’aide des gens armés qu’il commandait cl pouvait lancer contre la ville (voyez l’Appendice). Félix para le coup. Il fit marcher contre lui les soldats romains ; le peuple entier lui prêta main-forte pour cette œuvre de défense. Le combat eut lieu ; l’Égyptien s’enfuit avec peu de gens, la plupart de ses partisans furent tués ou faits prisonniers ».

Ceci est raconté par Josèphe au second livre de son Histoire. Il est à propos de rapprocher de ce récit concernant l’Égyptien, ce qui se trouve aux Actes des apôtres ; on y lit les paroles dites à Paul par le tribun qui était à Jérusalem sous le gouvernement de Félix, lorsque la multitude des Juifs s’était soulevée contre l’apôtre : « N’es-tu pas l’Égyptien qui s’est levé il y a quelque temps et a emmené au désert quatre mille sicaires ?»

Voilà ce qui s’est passé sous Félix.

Chapitre XXII

Paul envoyé de Judée à Rome comme prisonnier, est lavé et est absous de toute accusation

Néron envoya un successeur à Félix dans la personne de Festus ; c’est devant ce magistrat que Paul se défendit et c’est par lui qu’il fut dirigé vers Rome comme prisonnier. Aristarque était avec lui ; l’apôtre l’appelle à bon droit son compagnon de captivité, dans un passage de ses épîtres. Luc, celui qui nous a transmis par écrit les Actes des Apôtres, arrête son récit à cette époque : il dit que Paul, arrivé à Rome, y demeura libre pendant deux années entières, et y prêcha sans obstacle la parole de Dieu. Après avoir plaidé sa cause, l’apôtre, dit-on, partit de nouveau pour exercer son ministère évangélique ; puis il revint une seconde fois dans la ville impériale où il termina sa vie par le martyre. C’est alors que, de sa prison, il écrivit à Timothée sa seconde lettre, dans laquelle il fait allusion tout ensemble à sa première défense et à sa fin prochaine. Voici, du reste, son propre témoignage : « Dans ma première défense, dit-il, personne ne m’a assisté et tous m’ont abandonné. Que cette défaillance ne leur soit pas compté. Le Seigneur a été avec moi et m’a fortifié, afin que, par moi, la prédication fût achevée, et que tous les peuples i’entendissent, et j’ai été délivré de la gueule du lion ». Paul établit clairement ainsi, que, la première fois, il a été arraché de la gueule du lion pour qu’il pût remplir sa mission d’apôtre : le lion dont il parle est vraisemblablement Néron ; il le désigne sous ce nom à cause de sa cruauté. Un peu plus loin, il ne dit plus rien d’analogue à « il m’arrachera de la gueule du lion », car l’Esprit lui fait voir que sa fin ne tardera guère. C’est pourquoi après ces paroles : « Et je fus arraché de la gueule du lion », il ajoute : « Le Seigneur me délivrera de toute œuvre mauvaise et me sauvera dans son céleste royaume », indiquant ainsi que son martyre était très proche. Dans le même écrit, il l’annonce plus nettement, disant : « J’ai déjà reçu la libation et le moment de ma délivrance est proche ». Il déclare du reste dans cette seconde épître à Timothée que Luc seul est avec lui lorsqu’il écrit, mais il ne parle pas de lui pour sa première défense. C’est vraisemblablement pour ce motif que celui-ci a arrêté à celle époque le récit des Actes, ne voulant faire le récit que jusque au temps où il vécut avec Paul.

Je dis ceci pour qu’on ne fixe pas le martyre de l’apôtre au moment où Luc nous le montre séjournant à Rome. Il est du reste à croire qu’au début de son règne, Néron étant d’un naturel plus doux, admit plus facilement la justification que Paul lui présenta delà doctrine ; mais, venu plus lard à des audaces criminelles, il en fil sentir les effets aux apôtres comme du reste à tout le monde.

Chapitre XXIII

Comment Jacques, appelé le frère du Seigneur, fut martyr

Paul en avait appelé à César, et Festus l’avait envoyé à Rome : ainsi fut trompé l’espoir des Juifs et rendu vaine l’embûche qu’ils avaient dressée contre l’apôtre, Ils tournèrent alors leur fureur contre Jacques, le frère du Seigneur, qui occupait alors le siège épiscopal de Jérusalem qu’il avait reçu des apôtres. Voici . ce qu’ils entreprirent contre lui. Ils le firent venir et, devant tout le peuple, lui demandèrent de renoncer à la foi au Christ. À la surprise de tous, il parla devant la multitude avec une liberté entière et une indépendance qui dépassait de beaucoup leur attente ; il confessa que Jésus notre Sauveur et Seigneur était le fils de Dieu. Un pareil témoignage, rendu par un tel homme, leur fut insupportable ; car. auprès de tous, il avait la réputation d’être un juste hors de pair, pour la sagesse et la piété de sa vie. Ils le mirent à mort, profitant pour le faire de l’absence de gouverneur ; car Festus venait justement alors de mourir en Judée. Cet attentat fut donc commis en dehors de toute autorisation et de tout contrôle d’un procurateur.

Les circonstances de la mort de Jacques ont été déjà indiquées dans une citation de Clément. Celui-ci raconte qu’il fut précipité du haut du temple et tué à coups de bâton. Hégésippe, qui appartient à la première succession des apôtres, expose avec la plus grande exactitude ce qui concerne Jacques, dans le cinquième livre de ses Mémoires (voyez l’Appendice). Voici ce qu’il en dit : «  Jacques, le frère du Seigneur, reçut l’administration de l’église avec les apôtres. Depuis les temps du Christ jusqu’à nous, il a été surnommé le juste parce que beaucoup s’appelaient Jacques. Il fut sanctifié dès le sein de sa mère : il ne buvait ni vin ni boisson enivrante, ne mangeait rien qui ait eu vie ; le rasoir n’avait jamais passé sur sa tête ; il ne se faisait jamais oindre et s’abstenait des bains. À lui seul il était permis d’entrer dans le sanctuaire ; car ses habits n’étaient pas de laine, mais de lin. Il entrait seul dans le temple et ou l’y trouvait à genoux demandant pardon pour le peuple. La peau de ses genoux était devenue dure comme celle des chameaux, parce qu’il était constamment prosterné adorant Dieu et demandant pardon pour le peuple. Son éminente justice du reste le faisait appeler le Juste et Oblias, c’est-à-dire en grec rempart du peuple et justice, selon que les prophètes le montrent à son sujet. Certains membres des sectes, qui existaient au nombre de sept dans le peuple juif, et dont nous avons parlé plus haut, (dans les Mémoires), demandèrent à Jacques quelle était la porte de Jésus. Il répondit que Jésus était le Sauveur. Quelques-uns d’entre eux se laissèrent convaincre qu’il était le Christ, mais les sectes susdites ne voulurent pas croire qu’il fût ressuscité, ni qu’il dût venir pour rendre à chacun selon ses œuvres (voyez l’Appendice) ; en tout cas ceux qui avaient la foi, la tenaient de Jacques.

«  Beaucoup donc, et même des chefs, croyaient. Il en résulta un grand émoi parmi les Juifs, les scribes et les pharisiens : « Il y a danger, disaient-ils, que la » masse de la nation ne place son attente en Jésus le Christ ». Ils allèrent donc trouver Jacques et l’abordèrent en ces termes : « Nous t’en prions, retiens le peuple ; car il se fourvoie sur Jésus en pensant que c’est le Christ. Nous t’engageons à parler de Jésus à tous ceux qui viennent pour le jour de Pâques ; nous te croyons tous, et nous rendons témoignage avec tout le peuple que tu es juste el n’as point d’égard aux personnes. Persuade donc à la multitude de ne point s’égarer au sujet de Jésus ; car tout le peuple et nous tous, nous te croyons. Tiens toi sur le faîte du temple ; tu seras en vue de tous et tes paroles seront entendues de tout le peuple ». Car, cause de la pâque, toutes les tribus et même les gentils se rassemblent.

Les susdits scribes et pharisiens placèrent donc Jacques sur le pinacle du temple el ils lui crièrent ces paroles : « Juste que tous nous devons croire, puisque le peuple s’abuse à la suite de Jésus le crucifié, dis-nous quelle est la porte de Jésus ». Il répondit d’une voix forte : « Pourquoi m’interrogez-vous sur le Fils de l’homme ? Il est assis au ciel, à la droite de la grande puissance et il doit venir sur les nuées du ciel » Un grand nombre entièrement convaincus, dociles au témoignage de Jacques, disaient : « Hosanna au fils de David ! » Alors par contre les mêmes scribes et pharisiens se dirent les uns aux antres : « Nous avons mal fait de procurer à Jésus un pareil témoignage ; montons, précipitons cet homme ; on aura peur et on ne croira plus en lui ». Ils se mirent à crier : « Oh, oh, même le juste s’est égaré » ; et ils accomplirent la parole d’Isaïe dans l’Écriture : « Enlevons le juste parce qu’il nous est insupportable ; alors ils mangeront le produit de leurs oeuvres ». Ils montèrent donc et précipitèrent le juste. ils se dirent les uns aux autres : « Lapidons Jacques le juste » , et ils commencèrent à le lapider ; car il n’était pas mort de sa chute. Mais celui-ci se retourna, se mit à genoux et dit : « Ô Seigneur, Dieu et Père, je t’en prie, pardonne-leur, ils ne savent ce qu’ils font ».  Cependant ils l’accablaient de pierres ; et un des prêtres, des fils de Rechab, fils de Rechabim auxquels le prophète Jérémie a rendu témoignage, s’écriait : « Arrêtez, que faites-vous ? Le juste prie pour vous ».  Alors un foulon qui se trouvait parmi eux prit le bâton avec lequel il foulait les étoffes et frappa le juste à la tête. Ce fut ainsi que Jacques fut martyrisé. On l’ensevelit sur place près du temple, où l’on voit encore aujourd’hui s’élever son monument. Il ail donné aux Juifs et aux Grecs le témoignage véridique que Jésus est le Christ. Et bientôt après, Vespasien les assiégea ».

Voilà ce qu’Hégésippe raconte au long, s’accordant, du reste, avec Clément. Jacques était si admirable et si vanté de tous pour sa justice, que les gens sensés parmi les Juifs pensèrent que son martyre fut la cause du siège qui suivit immédiatement : ils crurent qu’une pareille calamité n’avait d’autre raison que ce sacrilège audacieux. Josèphe n’hésite pas du reste à se rangera cet avis, et en témoigne en ces termes : « Ces malheurs, écrit-il, arrivèrent aux Juifs à l’occasion du crime qu’ils commirent contre Jacques le juste : il était frère de Jésus qu’on appelle le Christ, et les Juifs le mirent à mort malgré sa justice éminente ».

Il raconte aussi sa mort au vingtième livre de ses Antiquités. Voici ses paroles : « César, à la nouvelle de la mort de Festus, envoya Albinus en Judée comme gouverneur. Ananos le jeune, que nous avons dit avoir reçu le souverain pontifical, était d’un caractère audacieux et absolument entreprenant ; il appartenait à la secte des Sadducéens, dans les jugements la plus cruelle de toutes parmi les Juifs, ainsi que nous l’avons déjà montré. Ananos, avec ces dispositions, vit dans la mort de Festus une occasion favorable ; tandis qu’Albinus était encore en route, il réunit une assemblée de juges, fit comparaître devant eux le frère de Jésus dit le Christ, appelé Jacques, avec quelques autres, accusés comme lui de transgresser la loi, et les condamna à être lapidés. Tous les esprits modérés qui se trouvaient dans la ville, et les stricts observateurs des lois virent cet excès avec peine et ils envoyèrent en secret des messagers au roi pour le prier d’interdire à Ananos une pareille manière d’agir et l’informer qu’il n’avait jusqu’alors rien fait de bon. Quelques-uns d’entre eux allèrent du reste à la rencontre d’Albinus, qui arrivait d’Alexandrie, et lui dirent qu’Ananos n’avait pas le pouvoir de convoquer le tribunal sans son consentement. Le gouverneur crut ce qu’on lui disait. Il écrivit avec colère à Ananos et le menaça de le punir. De son côté, le roi Agrippa lui enleva à cause de cela le souverain pontifical, qu’il exerçait depuis trois mois, et mil à sa place Jésus, fils de Damaeas ».

Voilà ce que l’on raconte de Jacques auquel on attribue la première des épître appelées catholiques. Mais il faut sa voir qu’elle n’est pas authentique. Peu d’anciens !a citent, comme du reste l’épître attribué à Jude, encore une des sept épîtres appelées catholiques. Nous savons cependant que l’une et l’autre sont lues publiquement avec les autres dans un grand nombre d’églises.

Chapitre XXIV

Après Marc, Annianus fut établi le premier évêque de l’Église

Néron en était à la huitième année de son règne [61-62], quand Annianus fut le premier qui, après Marc l’èvangéliste, obtint le gouvernement de l’église d’Alexandrie.

Chapitre XXV

De la persécution de Néron sous lequel Pierre et Paul furent honorés, à Rome, du martyr pour la religion

Néron ayant affermi son pouvoir, allait aux entreprises impies et préparait ses armes contre la religion du Dieu de l’univers. Quelle fut la scélératesse de ce prince, ce n’est pas le moment de le dire. Beaucoup ont raconté ce qui le concerne en des récits absolument exacts ; qui voudra connaître la grossière fureur de cet homme étrange peut lire leurs écrits. Sans but politique, il entassait selon sa démence meurtre sur meurtre et en arriva à ce degré de férocité qu’il n’épargna ni ses proches ni ses amis. Il traita sa mère, ses frères, sa femme, et tant d’autres qui lui étaient unis par le sang, comme des ennemis el des rivaux ; il les fit périr dans des supplices variés. Mais à tous ces crimes il faut ajouter qu’il fut le premier empereur qui se déclara l’adversaire de la piété envers Dieu. Le romain Tertullien nous le rappelle à son tour en ces termes : « Ouvrez vos annales. Vous y verrez que Néron, le premier, persécuta cette croyance au moment où, l’Orient soumis, il exerçait à Rome surtout sa férocité contre tout le monde. Nous nous faisons gloire d’une condamnation dont un tel homme est le promoteur. Quiconque le connaît pourra penser que, si elle n’était un grand bien, une chose n’eût pas été condamnée par Néron ».

Ainsi donc celui qui a l’honneur d’être proclamé le premier ennemi de Dieu se signala par le supplice des apôtres. L’histoire raconte que, sous son règne, Paul fut décapité et Pierre crucifié à Rome, et l’appellation de Pierre et de Paul attribuée jusqu’à ce temps aux cimetières de cette ville confirme ce récit. Ce fait, du reste, nous est encore garanti par Gaïus, homme ecclésiastique, qui vivait sous Zéphyrin, évêque de Rome [199-217]. Dans un écrit où il argumente contre Proclus, le chef de la secte des Cataphrygiens, il parle des lieux où furent déposés les saintes dépouilles des deux apôtres ; il dit : «  Je puis montrer les trophées des apôtres. Va au Vaticanum ou sur la voie d’Ostie ; tu trouveras les trophées des fondateurs de cette église ».

Denis, évêque des Corinthiens, dans une lettre adressée aux Romains, établit ainsi que Pierre et Paul ont subi tous deux le martyre au même temps : « Dans un tel avertissement, vous aussi avez uni Rome et Corinthe, ces deux arbres que nous devons à Pierre et à Paul. Car, de même l’un et l’autre ont planté dans notre Corinthe et nous ont instruits ; de même, après avoir enseigné ensemble en Italie, ils ont souffert le martyre au même temps ».

Cela, afin que l’on accorde plus de confiance au sujet de mon récit.

Chapitre XXVI

Comment les juifs accablés de maux sans nombre déclarèrent enfin la guerre aux romains

Josèphe raconte encore les malheurs sans nombre qui fondirent sur tout le peuple juif. Entre beaucoup autres choses, il dit en propres termes, qu’un très grand nombre de Juifs distingués eurent à subir la peine déshonorante du fouet et furent mis en croix à Jérusalem même par Florus. Celui-ci était gouverneur de Judée, quand la guerre commença à se rallumer, c’est-à-dire dans la douzième année du règne de Néron. [65-66]. L’historien poursuit en disant qu’un désordre épouvantable se produisit dans toute la Syrie après le soulèvement des Juifs : partout ces derniers furent traités sans pitié comme des ennemis par les habitants de chaque cité. Les villes étaient remplies de leurs corps laissés sans sépulture : on voyait, gisant pêle-mêle, des cadavres de vieillards jetés avec ceux des enfants, et des femmes qui n’avaient pas même reçu les vêtements nécessaires à la pudeur. Toute la province était désolée par des calamités indicibles ; mais la violence des menaces dépassait les cruautés de chaque jour. Voilà ce que dit expressément Josèphe : tel était alors l’état des Juifs.

Appendice

I, 2 : voy. J. Turmel, Histoire de la théologie positive jusqu’au concile de Trente (Paris, 1904), p. 74 suiv.

II, 4. La traduction grecque de l’Apologeticus de Tertullien a été faite en Orient, peut-être par Jules Africain ; voy. HARHNACK, Die griechische Ueberlieferung des Apologeticus Tertullians (Leipzig, 1892; Texte u. Untersuchungen, 1er sér., t. VIII, fasc. 4).

IV, 1. Tibère mourut le 16 mars 37, après 22 ans, 6 mois, 26 jours de règne (Tillemont, Hist, des empereurs, t. I Paris, 1690, p. 141 et 684). Agrippa I reçut aussitôt de Caligula les tétrarchies de Philippe et de Lysanias avec le titre de roi ; puis, au commencement de 40, la tétrarchie d’Hérode Antipas I (Shuerer, Gesch. des jüd. Volkes, t. I, p. 552 et 448). Agrippa n’était pas, à proprement parler, « roi  de Judée ». Voy. plus haut, la note sur I, ix, 1.

V,1i : πέντε βιΐλίοις : de cet ensemble, nous ne possédons que les livres III, Contra Flaccum, et IV, Legatio ad Gaium. Le titre De uirtutibus (infra, vi, 3), est, suivant les uns, le titre général de l’ensemble, suivant les autres, un titre commun aux livres IV et V; le livre V, perdu, continuait le récit de l’ambassade (Shuerer, l. c., t. III, p. ;Î29 ; ZOECKLER, dans la Real-Encyklopädie für prol. Théologie, 3e éd., t. XV, 1904, p. 353; MASSEBIEAU, Le classement des oeuνres de Philon, p. 65 ; L. COHN, dans le Phîlologus, Supplémentband VII, 1899, p. 421). — 4 : τοῦ ἀλαβάρχου : l’alabarque est identifié à l’arabarque, percepteur des droits sur la rive arabe du Nil (Shuerer, l. c, t. III, p. 88).

VI, 2 : τὰς προσευχάς : les noms ordinaires de la synagogue sont συναγωγή ou προσευχή (ib,, t. II, p. 443). — 4. Le fait rapporté ici doit être placé au commencement de l’administration de Ponce-Pilate, qui fut gouverneur de 26 à 36 après J.-C. — οἵ τε : τε appelle καὶ dans la suite et καὶ se trouve de fait dans l’original ; Eusèbe a coupé trop tôt la citation ; cf. IV, xvi, 6. — 6: κατῄει δὲ ἀπὸ τριακοσίων σταδίων : κατῆγε δὲ ἀπὸ τετρακοσίων σταδίων Josèphe, l. c. ; ἀπὸ διακοσίων σταδίων, Jos., Bel., XVIII, 60; cf. Shuerer, l. c, t. I, p. 490, n. 146.

X, 10. Hérode Agrippa I portait en effet les deux noms. Dans Josèphe, c’est un chat-huant qui avertit Agrippa de son sort ; Eusèbe en a fait un ange dans la citation.

XI, 1. L’histoire de Theudas, qui appartient au règne de Claude, est placée par les Actes avant le soulèvement de Judas le Galiléen, qui eut lieu sous Auguste, en 6 après J.-C. On a imaginé deux Theudas. Voy. Shuerer, l. c, I, p. 566. note 6.

XII 1 : ἐπὶ τούτοις ; sous les procurateurs Cuspius Fadus et Tibère Alexandre, c’est-à-dire à la tin du gouvernement da premier et au commencement de celui du second, — 3 : στῆλαι : trois pyramides, d’après Josèphe, Ant., XX, 05, qui servaient de tombeaux à Hélène et à son fils, Izates.

XIII, 3 suiv. : voy. le texte de JUSTIN dans l’édition PAUTIGNY (Paris, Picard ; même collection), p. 50 suiv., et la comparaison avec le texte d’Eusèbe, ib., p. xxxi. — 7 : θαυβωθήσεσθαι ABDT, θαμβοθήσεσθαι M, θαμβηθήσεσθαι ER : le mot de la langue courante est θαμβέω. On a θαμώσας dans LUCIEN, De dea syria, xxv, que l’on corrige en ἀμβώδας. Le mot doit être particulier à la langue des mystères.

XIV, 5 : τῆς ἐφεδρευσούσης ἐνταῦθα δυνάμεως : la puissance qui règne à Rome comme dans sa capitale, c’est-à-dire le démon.

XV, 2 : voy. le texte de Clément, plus loin, VI, xiv,

XVI, I : Μάρεον est supprimé par M. Schwartz.

XVII, 13 : ἀριθμοῖς BDMT1. ῥυθμοῖς AEB, compage Rufin, ἃ ῥυθμοῖς Philon. — χαράσσοντες Eusèbe, χαράττουσιν Philon. - 17 : ἐθισθέντες; : Eusèbe a mal coupé son extrait ; ce paticipe n’a de sens qu’avec la suite de la phrase dans Philon ; ὥσπερ φασὶ τὸ τῶν τεττίγων γένος ἀέρι τρέπεσθαι. — 20 ; ὃν ἤρξατο Eusèbe ; ἐν ᾧ ἤρξατο ou ὃν ἐνήρξατο mss, de Philon.— ἡ οἰκία DEMRT, syr. ; illi, Rufin ; ἡ οἰκεία Β, ἡ θρησκεία À ; αὔτη :αὑτή, Τ1 ; mais les mss. de Philon : ἡ ψυχὴ διαφερόντως ἡ οἰκεία;  ἡ λογικὴ ψθχὴ διαφερόντως τὰ οἰκεῖα, M. Schwartz. suppose que Philon avait écrit : ὃν ἤρξαντο διαφερόντως ἡ οἰκεία (sous-ent. ψυχή) θεωρεῖν. - 21-23. Eusèbe résume ici une bonne partie de l’ouvrage, p. 476, 23-34, et p. 481-484. Sur le fond, voy. l’état de la question dans Shuerer, Gesch. des Jüd. Volken, t. III, p. 535, et dans la Realencyclopädie für prot. Théologie, t. XV, p. 351 (Zoelkler).

XVIII. Tous les savants qui se sont occupés de Philon ont étudié cette liste, notamment les deux historiens qui viennent d’être cités. Le traité Sur l’agriculture est relatif a Gen., ix, 20; Sur l’ivresse, à ix, 21 (l’ivresse de Noé) ; il s’agit ensuite de la fuite et de l’invention d’Agar (cf. Ambroise, De fuga saeculi). — 2:ὁ est probablement tombé devant περὶ συγχύσεως. — 3 : βίου mss., Schwartz ; entendez ; βίος. On peut se demander si la faute remonte à Eusèbe. Il était très facile d’écrire βίου après ττερὶ. Eusèbe réunit ici deux ouvrages relatifs à Abraham, De migratione et De Abrahamo dans les éditions de Philon (voyez Shuerer, t. III, p. 508 et 514). — 9. Sur la portée et la date (vers 49) de cet édit, voy. Shuerer, l. c., t. III, p. 32.

XIX, 1 : sous Ventidius Cumanus, procurateur de 48 à 52, voy. Shuerer, l. c, t. I, p. 568-569. — 2. Agrippa II ne fut jamais » roi des Juifs », mais reçut de Claude, en 53, un domaine qui fut successivement étendu. Voy. Shuerer, ib., I, p. 583 suiv, Claude mourut en 54.

XX, 1. Félix, frère du puissant affranchi Palals, fut procurateur de 52 à 60. Sur ce qui suit, voy. Shuerer,t I, p. 576. — 4 suiv. Ces « sicaires » étaient un parti de zélotes ; aussi, § 5, τοὺς διαφόρους désigne ceux qui ne partageaient pas leur haine de l’étranger, les amis des Romains. Shuerer, t. I, p. 574.

XXI, Sur le faux prophète égyptien, voy, Shuerer, t. I p. 575. — 1 : κράτησας mss., Josèphe ; κρατήσαι A. — τυραννικῶς ADMT, τυραννεῖν Β, τυραννεῖ ΕR syr.; les mss. de Joséphe flottent entre τυραννεῖ, τυραννίδι, τυραννεῖν. — καὶ κρατῆσαι τῆς Ῥωμαικῆς φρουρᾶς καὶ τοῦ δήμου τυραννικῶς, χρώμενος, κ.τ.λ.. : Schwartz, pour le texte de Joséphe. Nous traduisons comme s’il y avait κρατησιι. Rufin : Peruenit cum ipsis ad montem qui uocatur Oliueti, paratus inde irruere Hiierusolyma et vi ac potestate urbem tenere simulque Romanorum praesidia ac plebem tyrannidi suae subiugare, fretus per omnia his quos secum eduxerat satellitibus.

XXII, 1 : Porcius Festus, procurateur de 60 à 62 ; il mourut en fonctions. Sur l’anarchie qui suivit sa mort et dont profita le grand prêtre Ananos, ainsi que sur le martyre de Jacques le Juste, voy. encore Shuerer, t. I, p. 581. La date du martyre est l’an 62.

XXIII, 4 suiv. L’extrait d’Hégésippe est rempli de redites et d’obscurités. Aussi M. Schwartz veut-il que l’on considère comme des doublets les passages suivants : 6, τούτῳ... εἰσιέναι, , et καὶ μόνος... ναόν ; ηὑρίσκετο... ἄφεσιν, et σιὰ τὸ ἀεὶ... τῷ λαῷ; diverses incises du discours des scribes À Jacques, au § 10; 14, xat πολλών... πιατίύαωον» αϋτώ, el χχί &φαξαν... f άγονται ; 18, xai ούτως... î) ττήλη et uipruj Ο;.: . -.’.>./,:ι.\’• αυτού;; 18, πχρα τώ ναώ, deux fois. De plus, Ιβ-17, χαί... ii ôtxaio ; sont » une ancienne interpolation d’après JOSKPHB, Anl., XX, 200 ». Ce dernier pointue parait pas prouvé. De plus, si l’on examine les prétendues dïtto-graphies, on trouve entre elles assez de différences pourdouter de leur nature. Ces répétitions, ces citations bibliques, ce » parenthèses, ces retours sur les parties antérieures du récit sont les signes d’une singulière gaucherie d’écrivain ; mais ils n’ont rien d’étonnant chez un auteur d’origine sémitique. U reste un petit nombre de difficultés. — 4 ; («τα τών άποατοΐων, mss. elRuriN; « des apôtres «, syr. ; pott apostolat, JEROME, De uiris inl,, 2 ; cf. plus haut, 1, itpôc αποστολών. — 6 : oviÈ γαρ•.- itvSova ; ne s’explique guère comme une raison de ce qui précède (« Die Begrûn-dung... sinnlos », SCHWAHTZJ. Cependant il doit y avoir un lien entre l’usage des vêtements de lin et l’admission au sauctuaire ; cf. Exode, xxix, 39; xxxix, 27; etc. Hégé-sippe a pu atténuer le caractère judaïque de la sainteté de Jacques. — 7 : la fin de ce paragraphe est altérée. — 9 : if ιόν est une liaison assez mal choisie ; τ•.νί; paraît contredit par ce qui suit (10) : πολλών OL>V, χ.τ.λ. — IS/OVIVOV a le sens futur, comme souvent les formes de ce verbe dans le nouveau Testament MATTH.. XXJY. 3: etc. ; τον. Fr. BLASS, Grammatik de » neutestamcntlichen Griechiseh. 5 56* 8. — Il : Λ:ζ γα s... έθνΰν me parait être une réflexion d’Hégé-sippe : est compris dans le discours des Juifs par S<:IIWAHTZ. — i^wTiv : on discute depuis longtemps pour savoir si ce mot désigne les païens : nous lui avons donné le sens le plus général. — 17 : των υιών *Ρτ,-/άβ est une glose de ’Ρα/α;χ.— 20. Cette citationde Joséphe ne se retrouve dans aucun de nos mss. et parait être une interpolation chrétienne ; Eusèbe la tire probablement Diogène, Contra CeUum, 1,47; voy. *7>., II, 13Gnet In Mt.ytomus X, xniisur MT., XUI, 55), où Origène attribue le texte aux Antiquités, — 21 : Lucceius Albinus, procurateur de 62 à 64. — Ana-nos le jeune, grand prêtre en 62, fils d’Ananos fils de Sethi, c’est-à-dire de TAnne du nouveau Testament, grand prêtre de 6 à 15 avant J.-C. — 24 : Jésus, grand prêtre. 62-63 environ ; Αααααίου ABDM; ιδαμμαίου, Syncelle, p. 642; oajxatoy Γ, 1*21 syr., Dam{m)aei RUPIN, Δαανζίου EH Jos. xxv, 4 : τήν άναχολήν πασαν υ-οτάξας : contresens ; hanc sectam tu m maxime Romae orientem, TERT. — 7 : Βασικχνόν mss. d’Eusèbe, Syncelle ; D^ip^D^Z syr., Vaticanum RUF. — Sur les témoignages de Gaïus et de Denys, voy. L. Duchesne, Origines chrétiennes (autographie), p. 76 suiv.