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Concordance biblique « verset »
Bible Annotée


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Résultats 1 - 20 sur un total de 6698 versets pour « verset »

Genèse 1.1 (note)

Le chaos (1-2)

Ces deux versets indiquent l’acte et l’état primitifs qui ont servi de point de départ à l’œuvre ordonnatrice d’où est tiré l’univers tel que nous le contemplons actuellement.

Il n’y a pas de raisons pour admettre la construction d’après laquelle le verset 1 formerait une proposition subordonnée, suivie du verset 2 comme parenthèse et dont la principale se trouverait au verset 3 ; dans ce sens : Au commencement, quand Dieu créa les cieux et la terre (or la terre était déserte et vide…), Dieu dit…

Le style de tout ce document est plus simple et des faits aussi importants que ceux qui sont mentionnés au verset 2 ne pourraient être mis en parenthèse. Le verset 1 forme donc une proposition indépendante.

Le mot Bereschit (Au commencement) n’est pas ici, comme d’ordinaire, suivi d’un complément, parce qu’il désigne le commencement absolu (comparez Jean 1.1). C’est le commencement du temps, aussi bien que de tous les êtres qui se développent dans le temps.

Dieu : en hébreu Elohim, nom dérivé d’une racine arabe, aliah, qui signifie trembler ; c’est donc l’être devant lequel on tremble, l’être souverainement redoutable. Comparez une expression analogue : la frayeur d’Isaac dans Genèse 31.42 et 53. Il ne paraît pas y avoir de rapport entre ce nom et celui de El, qui vient de la racine oul, être fort. Le nom Elohim est le pluriel de Eloah, qui se trouve dans certains morceaux poétiques (Job 12.6 ; Job 35.10 ; Habakuk 1.11 ; Deutéronome 32.15 ; Psaumes 50.22) et dans l’hébreu postérieur (Daniel 11.37-39 ; 2 Chroniques 32.15 ; Néhémie 9.17).

Les pères de l’Église ont vu dans ce pluriel une allusion à la pluralité des personnes divines (comparez verset 26) : mais ce mot est emprunté par l’auteur biblique au langage ordinaire. On pourrait plutôt y voir un vestige du polythéisme régnant ce que confirmeraient deux passages où ce nom est construit avec le verbe au pluriel (Genèse 20.13 et Genèse 35.7). En tout cas, si même cette supposition était fondée, le verbe au singulier (bara ; créa) qui accompagne ici ce sujet, suffirait pour montrer que l’auteur emploie ce terme dans un sens monothéiste et que, s’il attache encore une valeur au nombre pluriel, il l’applique à la pluralité des perfections redoutables de l’Être suprême. Quant à l’idée d’un pluriel de majesté, elle est sans appui dans l’Ancien Testament.

Créa. Le mot hébreu bara, que nous traduisons ainsi, signifie primitivement tailler et n’implique pas nécessairement, comme notre mot créer, l’absence de toute matière déjà existante : mais il faut observer que les idées abstraites ne peuvent être énoncées dans le langage humain qu’au moyen de termes exprimant des notions sensibles ; puis, quand ce verbe désigne une action exercée sur une matière existante, il se met à une autre forme (pihel, béré) et a pour sujet un être humain et pour régime la matière même sur laquelle le travail s’exerce (Josué 17.15), tandis que dans la forme employée ici (kal) il a toujours pour sujet Dieu et pour régime le mot qui désigne le résultat de l’action accomplie (Ésaïe 43.1).

Du reste l’hébreu a d’autres expressions pour désigner l’action de Dieu sur une matière existante : asa, faire (versets 7, 16, etc.), jatsar, former (Genèse 2.7). Sur le rapport entre créer et faire, voir encore à Genèse 2.3. Mis en relation, comme il l’est ici, avec l’idée de commencement, ce mot ne peut désigner que la formation même de la matière ; autrement il faudrait admettre que, dans la pensée de l’auteur, le chaos est apparu de lui-même ou qu’il est éternel, deux suppositions qui seraient évidemment contraires à l’intuition de tout le récit.

Les cieux. Le mot hébreu Schamaïm provient d’une racine arabe désignant l’élévation. Le pluriel fait allusion aux nombreux espaces célestes qui se superposent les uns aux autres (Comparez 1 Rois 8.27, les cieux des cieux ; 2 Corinthiens 12.2, le troisième ciel). Il sera parlé dans ce qui suit du ciel des oiseaux et du ciel des astres, au-dessus desquels Dieu habite dans son ciel invisible. Les cieux et la terre : l’univers. Dieu posa la matière d’où l’univers fut ensuite formé.

On pourrait assez naturellement penser que ce premier verset est le titre de la narration qui va suivre dans ce chapitre. Mais il faudrait dans ce cas donner au mot créer les deux sens simultanés et différents de produire et d’arranger, ce qui n’est pas naturel ; et surtout nous voyons immédiatement après, au verset 2, que la matière terrestre existe déjà réellement, puisque l’Esprit de Dieu agit sur elle ; le fait de sa création doit donc être renfermé dans le verset 1. Cela s’applique non seulement à la matière de la terre, mais aussi à celle des cieux ; car l’œuvre du quatrième jour en suppose également l’existence.

Le verset 1 est donc l’indication d’un fait positif qui a précédé l’organisation progressive de l’univers. Ce fait ne peut être que celui par lequel Dieu a posé la matière d’où sont procédés les cieux et la terre actuels (voir Genèse 2.4).

On a supposé parfois que le verset 1 renfermait l’idée d’une création complète, achevée et parfaite, qui aurait été détruite par un cataclysme résultant de la révolte des anges et auquel aurait succédé le chaos décrit au verset 2. L’œuvre des six jours serait ainsi un travail de restauration, non de création proprement dite. On a allégué en faveur de cette opinion le terme tohou vabohou du verset 2, qui indiquerait un désordre résultant d’une destruction, un état anormal qui, pense-t-on, ne peut être sorti tel quel des mains du Créateur.

Les partisans de cette hypothèse expliquent ainsi les imperfections du monde actuel, qui seraient les restes de ce bouleversement primitif. Nous ne saurions démonter l’impossibilité de cette hypothèse, mais nous ne croyons pourtant pas que le texte conduise naturellement à une telle idée ; la liaison entre les versets 1 et 2 paraît trop immédiate ; le sens naturel est : Dieu créa et de cet acte divin sortit l’état de choses suivant (verset 2). Sur l’argument tiré de tohou vabohou, voir au verset 2.

L’idée d’un commencement du monde exprimée par notre verset est pleinement confirmée par l’étude de la nature, qui prouve qu’il y a eu sur la terre une succession d’êtres allant du plus imparfait au plus parfait et qu’il y a eu même une époque où aucun être organique n’existait. Si le monde n’avait pas eu de commencement, ce progrès ne serait pas possible. Dans un monde éternel il n’y aurait pas de succession : l’univers serait achevé aussitôt que commencé.

Genèse 1.2 (note)

La terre. L’auteur isole la terre, comme objet de son récit ; il n’a pas à s’occuper du reste de l’univers ; et s’il parle des cieux au quatrième jour, ce ne sera encore qu’en rapport avec la terre. On peut se demander s’il se représente la terre chaotique comme une masse entièrement aqueuse, ou comme une masse aqueuse à sa surface, mais reposant sur un socle solide. Le verset 9 est plutôt en faveur du second sens et c’est aussi de cette manière que le psalmiste paraît avoir compris notre passage (Psaumes 104.6).

Déserte et vide. C’est là l’indication de la matière primitive ; en hébreu : tohou vabohou. Le premier de ces mots provient de la racine taha, qui signifie être désert ; il s’emploie, par exemple, pour désigner une terre ou une ville dévastée (Job 12.24 ; Job 26.7 ; Ésaïe 24.10). Le second, plus rare, vient d’une racine qui signifie être vide. Ce second terme sert plutôt à renforcer le premier qu’à exprimer une idée nouvelle ; ils forment en hébreu une locution unique dont le sens est absolument vide. Ces deux mots se trouvent aussi réunis dans Jérémie 4.23 pour désigner un manque absolu d’êtres et de lumière (retour au chaos) et dans Ésaïe 34.11 où ils sont le pendant l’un de l’autre dans deux propositions parallèles qui expriment une destruction totale.

Cette expression peut désigner aussi bien une matière non encore organisée qu’un état de choses bouleversé. C’est ici l’état originaire dans lequel aucun être particulier ne se distinguait encore dans l’ensemble. Cet état n’est pas nécessairement mauvais ou anormal ; il est seulement inférieur et susceptible de progrès : et rien n’empêche qu’il ne soit sorti comme tel des mains du Créateur.

Couvraient… reposait. On peut traduire d’après les termes hébreux couvrant, reposant, en ce sens que les expressions employées indiquent moins des faits nouveaux que deux traits caractérisant l’état de choses indiqué plus haut.

Les ténèbres n’impliquent pas nécessairement l’idée de mal (2 Samuel 22.12 ; Jean 9.4) : c’était le point de départ de l’œuvre qui devait suivre.

L’abîme. Ce mot n’est pas pris dans le sens qu’il a fréquemment, celui d’un vaste espace vide, mais dans celui où l’on dit l’abîme en parlant de la mer immense et profonde. Le mot hébreu tehom vient de la racine houm, qui signifie bouillonner en grondant. Ce mot désigne donc la masse des eaux. Ce qui confirme ce sens du mot tehom, c’est qu’il a pour parallèle dans la phrase suivante le mot les eaux. Mais cette nuit silencieuse n’était pas celle de la mort ; c’était la nuit féconde d’où devait sortir la vie : L’Esprit de Dieu planait sur cette vaste étendue d’eau. Le mot rouach, que nous traduisons par esprit, signifie primitivement souffle, vent. On pourrait traduire ici, comme plusieurs commentateurs juifs : un vent puissant. Mais le participe qui suit indique plutôt un état de repos et comme une calme incubation.

Reposait. Le terme merachépheth, que nous traduisons ainsi, désigne, Deutéronome 22.11, le mouvement de l’aigle qui étend ses ailes sur ses petits pour les protéger. Ce n’est pas précisément l’idée de couver, mais celle de planer au-dessus, comme la colombe sur la tête du Sauveur à son baptême.

L’Esprit de Dieu est envisagé ici comme le principe de la vie physique et morale qu’il va communiquer au monde. Nous trouvons dans ce verset les deux principes de l’état primitif : la matière (l’abîme) et la puissance organisatrice ou la force (l’Esprit). Mais de même que dans le premier l’auteur a placé nettement Dieu en dehors et au-dessus du monde, il distingue ici non moins positivement le foyer divin de la vie d’avec la nature elle-même, deux choses qu’identifient les autres cosmogonies.

Les eaux. Ce terme spécifie ce qui avait été exprimé d’une manière abstraite par le mot l’abîme. En raison de ce verset on a attribué à l’auteur la théorie neptunienne exclusive, qui fait sortir la terre de l’eau et qui rejette l’idée de sa formation par le feu. Mais tout ce qui nous est dit sur l’état ici décrit, c’est qu’il est antérieur à la formation des êtres particuliers. Le fait est que la période ignée de notre globe a abouti à une période aqueuse, qui a précédé l’existence actuelle du monde organique.

Genèse 1.3 (note)

Le premier jour (3-5)

Tandis que dans toutes les autres cosmogonies le monde est une émanation de l’être ou de la pensée de la divinité, dans le récit de la Genèse il est le produit d’un acte de la volonté de Dieu. C’est ce qu’indique l’expression : Dieu dit, qui revient huit fois dans ce morceau.

Comme c’est la parole qui dans l’homme est la manifestation extérieure de la volonté, l’auteur de notre récit a employé cette image pour définir l’activité créatrice comme un acte de la volonté divine. À cette idée s’ajoute celle de la facilité avec laquelle Dieu exécute l’acte créateur : Il parle et la chose est, il commande et elle existe, Psaumes 33.9, dans ce même psaume, verset 6, la parole est également jointe à l’Esprit comme instrument de l’œuvre créatrice. D’après l’intuition de notre récit, l’Esprit de Dieu planant sur la face de l’abîme sera l’agent tout-puissant qui exécutera au fur et à mesure les ordres énoncés par la parole créatrice.

Que la lumière soit. L’auteur ne peut penser à la lumière solaire qui ne paraît qu’au quatrième jour. Cette lumière, dont l’apparition succède à. l’époque de ténèbres par laquelle la terre vient de passer, n’est point présentée d’ailleurs comme provenant d’un corps extérieur à la terre. Il s’agit donc d’une lumière diffuse avec laquelle les aurores boréales présentent peut-être une analogie éloignée. Cette lumière était une condition de l’œuvre qui allait suivre.

Genèse 1.5 (note)

Et Dieu appela. Une fois l’alternance de l’obscurité et de la lumière établie, Dieu donne un nom à chacun de ces deux espaces de temps, ce qui signifie qu’ils doivent se succéder désormais d’une manière régulière et irrévocable. L’auteur ne veut donc pas dire que Dieu créa les mots hébreux jour et nuit, mais qu’il fixa d’une manière stable les notions qui en Hébreu, sont exprimées par les mots employés ici.

Et il y eut un soir et il y eut un matin. Quelques interprètes ont pensé que le soir désigne ici tout l’espace éclairé qui s’achève avec le soir et le matin, tout l’espace de temps ténébreux qui s’achève avec le matin ; la journée s’étendrait ainsi de matin à matin. Mais il est difficile de comprendre comment le mot soir pourrait désigner ce que nous appelons le jour et le mot matin ce que nous appelons la nuit ; autant vaudrait dire que le mot la mort peut désigner la vie, parce que la vie aboutit à la mort. D’ailleurs il est constant que les Juifs faisaient commencer leur jour de vingt-quatre heures entre les deux soirs, c’est-à-dire au moment où le jour faisait place à la nuit et que par conséquent la première moitié du jour de vingt-quatre heures était la nuit et la seconde le jour. D’après cela, nous entendons par le soir la nuit chaotique qui a précédé l’apparition de la lumière et par le matin l’apparition de la lumière avec le jour qui l’a suivie. Quoique cette nuit ne corresponde pas exactement à la notion de soir, puisqu’elle n’a pas été précédée d’une période éclairée, elle reçoit cependant ce nom par analogie avec les soirs suivants.

Ces expressions de soir et de matin sont empruntées à la même image générale sur laquelle repose toute cette narration, celle d’une semaine de travail humain, où l’œuvre de chaque jour est suivie du repos de la nuit. Appliqué au travail divin, ce symbole du soir et du matin désigne à chaque fois le développement paisible de l’œuvre précédente et le commencement de l’œuvre nouvelle.

Ce fut un jour. On peut traduire aussi : Ce fut le premier jour. L’adjectif cardinal étant souvent pris dans le sens de l’adjectif ordinal quand il s’agit du jour de la semaine ou du mois. L’auteur a-t-il voulu parler d’un jour de vingt-quatre heures ou d’une période d’une durée incalculable ?

Il paraît bien en raison des six jours de travail, des six nuits de repos qui les séparent et du jour de sabbat qui les termine, que l’auteur a eu devant les yeux comme type une semaine de travail humain ; mais il ne peut avoir oublié que l’ouvrier, ici, c’est Dieu même et qu’un tel ouvrier n’a pas besoin de dormir toutes les douze heures, ni de se reposer tous les sept jours ; or avec la notion de l’ouvrier grandit nécessairement celle de jour de travail.

Comme dans la vision prophétique Daniel voit des semaines qui ne sont pas des semaines de jours, mais des semaines d’années, ainsi, pour l’auteur de la Genèse, nos jours de vingt-quatre heures ne sont que l’image des grandes journées du travail divin. Ces journées, dans sa pensée, ne sauraient être équivalentes aux jours de vingt-quatre heures, d’abord parce que la nuit qui les précède et qui est pour lui le premier soir est par sa nature même d’une durée incalculable ; ensuite parce que le soleil qui, par son lever et son coucher, détermine nos nuits et nos jours de douze heures, n’existait pas encore, ou du moins n’exerçait pas encore son influence périodique sur notre terre. Les trois premiers jours étant par conséquent indépendants de la mesure des vingt-quatre heures, les autres doivent l’être aussi, puisque la semaine créatrice ne peut comprendre que des jours de même nature.

Enfin dans ce récit même (comme dans toute la Bible) le mot jour est employé d’une manière très élastique ; il désigne : 1er le jour de vingt-quatre heures (verset 14) ; 2e la partie éclairée de ce jour, comprenant douze heures (verset 18) ; 3e toute la période de la création (Genèse 2.4).

Nous trouvons de même, dans un passage des Nombres 3.1, le terme de jour appliqué aux six semaines du séjour de Moïse sur le Sinaï. Un jour peut donc désigner une durée indéfinie ayant pour contenu une œuvre unique.

Nous concluons qu’en employant l’image de la semaine, l’auteur n’a pas été dirigé par une idée de durée, mais plutôt par la notion d’une œuvre accomplie graduellement, avec des intervalles de travail et de repos et aboutissant à un état stable et permanent qui en est le terme. De plus il est bien manifeste que ce cadre a été choisi dans le but de faire ressortir la sainteté du sabbat.

Genèse 1.6 (note)

Le second jour (6-8)

Une étendue. Le mot hébreu rakia, de raka, frapper au marteau, étendre en frappant, désigne cette étendue azurée au-dessus de nos têtes, que nous appelons le ciel. On a dit souvent, en pressant le sens étymologique, que l’auteur se représentait cette surface azurée comme une voûte solide dans laquelle les astres seraient cloués. On a tiré cette notion de certaines expressions prises à la lettre chez les écrivains classiques ; mais en tout cas ce n’était pas la pensée de l’auteur sacré, car il connaît les mouvements différents des astres et ne peut par conséquent se les représenter comme cloués à une même voûte solide (verset 44) ; et la comparaison de ce terme avec celui de cieux, qui en est donné comme l’équivalent, montre que l’auteur se représente l’étendue comme les Hébreux se représentaient les cieux, c’est-à-dire comme autant d’espaces superposés les uns aux autres.

Les expressions qui ont donné lieu à ce malentendu (Job 26.11 ; Job 37.18 ; Amos 9.6 ; etc.) se trouvent toutes dans des morceaux poétiques et n’ont pas plus de valeur pour discriminer la nature de l’étendue que lorsque nous parlons par exemple de la voûte céleste ; qui voudrait conclure de cette expression que nous nous représentons le ciel comme une voûte solide ? L’étendue dont parle ici l’auteur désigne donc l’enveloppe atmosphérique de notre terre.

Entre les eaux. Quelques interprètes ont cru devoir donner à ce mot les eaux le sens de fluides gazeux et l’ont appliqué à la matière dont sont formés les astres et les nébuleuses. Ce qui pourrait autoriser ce sens : c’est l’expression du verset 7

Genèse 1.11 (note)

La formation des continents remplit la première partie du troisième jour ; la création des plantes, qui les revêtent comme une parure, en remplit la seconde moitié. C’est ici le point culminant de la première partie de la semaine créatrice : c’était à ce résultat que tendaient les œuvres précédentes, car la force organique est au-dessus de la matière brute.

verset 11

L’apparition de ce premier être organisé est attribuée à la puissance divine, Dieu dit, mais aussi à la terre, dont Dieu se sert pour produire cet être nouveau, que la terre fasse pousser. Dieu montre ainsi qu’il a doué la nature d’une force qui lui appartient désormais en propre et qui est comme l’avant-coureur de la liberté chez l’homme.

L’expression employée implique aussi que les plantes ne sont pas apparues toutes formées, mais ont passé de l’état de germes à celui de plantes développées. Les végétaux créés sont divisés en trois classes :

  1. le gazon, désché, l’herbe des prairies
  2. les herbes, ésev, spécialement les légumes et les céréales
  3. les arbres

La première est simplement nommée ; la seconde est caractérisée par les mots : portant semence ; la troisième est désignée comme portant fruit et renfermant semence.

L’auteur parle évidemment des plantes telles qu’elles apparaissent au premier regard, sans se préoccuper de les classer scientifiquement ; de là vient qu’il ne parle pas de semence dans la première catégorie. Cette première classe sert de nourriture aux animaux, la seconde en partie aux animaux (verset 30), en partie à l’homme (verset 29) et la troisième plus spécialement à l’homme (verset 29).

Portant semence, produisant du fruit. Encore ici nous voyons la créature douée d’une force qui lui appartiendra en propre : Dieu crée les plantes capables de se reproduire par elles-mêmes.

Genèse 1.14 (note)

Le quatrième jour (14-19)

Ici commence la seconde moitié de la semaine créatrice. Elle correspond exactement à la première ; celle-ci a raconté la formation des éléments du monde, la genèse des préparatifs, comme on l’a dit ; la seconde nous montre la formation des corps constitués ou organisés qui s’y rattachent :

  • Premier jour, la lumière : quatrième jour, les corps lumineux
  • Second jour, l’eau et l’air : cinquième jour, les poissons et les oiseaux
  • Troisième jour : le sol sixième jour, les animaux terrestres.

L’homme, dans la seconde partie du sixième jour, correspond à la plante dans la seconde partie du troisième, comme couronnement de la seconde moitié de l’œuvre et de l’œuvre tout entière.

verset 14

Qu’il y ait des luminaires. La présence et l’action de la lumière sont désormais rattachées à l’apparition des corps célestes, qui lui servent comme de foyers. On pourrait donner à l’ordre de Dieu le sens affaibli : Que les astres paraissent comme luminaires, en supposant qu’ils existaient déjà et que c’est à ce moment seulement qu’ils ont pu luire sur la terre, l’enveloppe de nuages qui entourait celle-ci s’étant dissipée.

Sans envisager ce sens comme impossible, nous ne pensons pas qu’il corresponde exactement à la force de l’expression du verset 16 : Dieu fit les deux grands luminaires. D’après ce terme fit, l’auteur paraît réellement penser que c’est à ce jour-là qu’ont été formés les astres. Mais comment admettre que la formation de la terre ait précédé celle du soleil et des étoiles ?

On croit surprendre ici notre récit en flagrant délit d’erreur. Cependant il faut se rappeler qu’au verset 1 il a déjà été parlé de la création des cieux et nous avons reconnu que ce verset n’était pas un simple titre, mais indiquait un fait. L’auteur suppose donc que le développement des cieux a marché parallèlement à celui de la terre et que c’est au moment marqué par le quatrième jour dans la formation de celle-ci que l’organisation actuelle des cieux a atteint son terme et qu’en particulier l’apparition de la lumière est devenue dépendante de celle du soleil et des astres.

Un savant, qui n’est nullement préoccupé de justifier le récit de la Genèse, s’exprime ainsi :

Le soleil n’était pas encore parvenu à la période astrale qui lui donnera le disque lumineux, net et défini, sous lequel nous le connaissons à notre époque… Deux cents fois plus large en diamètre qu’il n’est aujourd’hui, il était peu lumineux ; mais insensiblement, de siècle en siècle, il inaugurera son rôle d’astre illuminateur.

Comme l’a dit aussi un illustre physicien, le soleil remplit dès ce moment à l’égard de l’éther, dont les vibrations constituent la lumière, le rôle de l’archet à l’égard de la corde sonore.

Dans l’étendue des cieux. Il est aisé de se convaincre par cette expression que l’auteur ne songe point à donner au mot étendue le sens d’une voûte solide : comment dans ce cas les luminaires pourraient-ils avoir chacun un mouvement distinct dans cette étendue, comme le prouvent leurs rôles respectifs et différents à l’égard de la terre ?

Pour séparer le jour et la nuit. L’auteur, mettant les jours et les nuits de douze heures en rapport avec le mouvement des astres, ne peut, sans contradiction avec lui-même, avoir attribué aux jours et aux nuits précédents cette durée de douze heures.

Et qu’ils servent de signes. Non pas de signes pour distinguer les époques, les jours et les années, comme on pourrait le croire d’après les traductions ordinaires, mais, d’après l’hébreu, de signes absolument parlant. Ce terme convient surtout aux étoiles, dont la position sert à orienter le voyageur dans le désert ou sur mer.

Qu’ils fassent les époques. Le mot hébreu signifie un moment fixé à l’avance et s’applique surtout aux fêtes solennelles. Il sert probablement à désigner ici les mois et les semaines, qui sont fixés d’après le cours de la lune et d’où dépendent les temps de fête.

Les jours et années enfin, se rapportent au rôle du soleil.

Genèse 1.20 (note)

Le cinquième jour (20-23)

Comme le second jour comprenait la formation de l’eau et de l’air, le cinquième donne naissance à deux espèces d’êtres. C’est ici dans le récit le commencement de la vie proprement dite et l’auteur marque cette entrée d’un facteur tout nouveau dans l’existence en reprenant le terme de créer (bara, verset 24), qu’il avait employé en commençant.

C’est que la matière ne peut produire les phénomènes vitaux ; elle n’est, comme on l’a dit, que le subsbstratum de la vie, lui donnant uniquement ses conditions de manifestation. La vie est donc une nouvelle communication de Dieu à la nature.

La science objectera sans doute que des animaux existaient dès longtemps simultanément avec les plantes ; mais, comme nous l’avons déjà dit, l’auteur écrit, non en savant, mais pour ainsi dire en spectateur. C’est à cet instant seulement que la vie animale apparaît à ses yeux comme trait saillant et dominant dans le développement de la terre.

S’il place actuellement la création des poissons et des oiseaux, c’est que dans tout son récit, aussi bien sans doute que dans la réalité des faits, le mouvement va des êtres inférieurs aux êtres supérieurs.

verset 20

D’êtres animés. Le terme hébreu signifie littéralement d’âmes vivantes. L’âme est le souffle de vie qui anime l’organisme physique et le fait mouvoir. Les âmes sont diversement douées, mais ce terme désigne le caractère commun à tous les êtres vivants, depuis l’animal le plus inférieur jusqu’à l’homme, qui est aussi appelé âme vivante (Genèse 2.7).

Sur la face de l’étendue des cieux. En volant, les oiseaux se détachent sur le fond bleu du ciel.

Genèse 1.21 (note)

Les grandes bêtes aquatiques : les monstres marins. Le nom hébreu désigne parfois le serpent, d’autres fois le crocodile ou les cétacés ; ce sont sans doute ces deux dernières classes qui sont désignées ici, le serpent ou reptile, n’apparaissant qu’au sixième jour (verset 24).

À ces grands animaux, le récit joint toute la multitude des animaux marins en ajoutant le terme selon leur espèce, qu’il applique aussi après cela aux oiseaux. Sur ce terme, voir verset 12.

Que cela était bon. Nous répétons ici ce que nous avons dit déjà, c’est que le bien moral n’a pas de place dans ce domaine et ne paraîtra qu’avec l’homme. Le terme de bon s’applique donc à la convenance parfaite de ces êtres comme jalons pour arriver au terme final de la nature.

Genèse 1.24 (note)

Le sixième jour (24-31)

La création des animaux terrestres est placée la dernière, ces êtres étant les plus rapprochés de l’homme ; et l’une des plus grandes hardiesses de notre récit est sans doute d’avoir placé celle de l’homme dans la même journée que celle de ces êtres si inférieurs à lui et de telle sorte que son apparition soit comme une partie de celle du règne animal. De cette disposition ressortent avec force et la bassesse et la grandeur de l’homme.

En plein accord avec notre récit, qui place l’apparition de l’homme le même jour que les animaux terrestres, les découvertes récentes prouvent qu’il a vécu simultanément avec les grands quadrupèdes dont l’apparition avait précédé sa venue.

Versets 24 à 25 — Création des animaux terrestres

Que la terre fasse sortir. Cette expression, qui avait été employée par rapport aux plantes, reparaît ici appliquée aux animaux terrestres. Elle indique que c’est par l’intermédiaire de la terre et avec sa coopération qu’ils arrivent à l’existence et, de plus, qu’ils sont appelés à vivre à sa surface et comme hors d’elle.

Rien de semblable n’avait été dit des animaux marins et aériens, parce que la matière de leur corps est tout à fait hétérogène à celle de l’eau et de l’air et qu’ils vivent plongés dans ces éléments.

Ils sont d’abord indiqués d’une manière générale êtres animés (voir au verset 20), puis divisés en trois classes, les deux premières bien déterminées, la troisième tout à fait générale.

Le bétail. Le mot hébreu désigne le mutisme et s’applique le plus souvent aux animaux domestiques, qui diffèrent de l’homme, avec lequel ils vivent, par la privation du langage. C’est le mot employé dans le quatrième commandement (ton bétail). Il peut bien désigner parfois les grands quadrupèdes en général, mais le sens restreint résulte ici de l’opposition au troisième terme.

Les reptiles : spécialement les serpents, qui forment un genre tout à fait à part, aussi bien que les animaux domestiques.

Les animaux terrestres : tout ce qui reste en dehors de ces deux classes, en particulier ce que nous appelons les animaux sauvages.

Selon leur espèce. Cette détermination se rapporte aux trois classes. Voir au verset 12.

Les études actuelles prouvent que l’apparition des premiers grands mammifères a coïncidé avec le grand développement de la classe des serpents.

Genèse 1.26 (note)

Création de l’homme (26-27)

Et Dieu dit. Dans toutes les créations précédentes la parole divine est adressée à l’être lui-même qui doit paraître ou à l’élément d’où il doit sortir ; ici Dieu se parle à lui-même. Ce n’est pas un simple appel, c’est une décision prise intérieurement, qui précède l’exécution.

Il y a dans cette forme une solennité motivée par le fait que l’œuvre arrive à son terme et que l’être qui va paraître appartient à une économie supérieure.

Faisons. Le Talmud et plusieurs interprètes juifs pensent que Dieu s’adresse aux anges. Mais les anges n’ont pas participé aux actes créateurs. Les Pères voient dans ce pluriel un indice de la Trinité chrétienne. C’est dépasser l’horizon du livre que nous expliquons. Plusieurs commentateurs modernes trouvent dans ce terme un pluriel de majesté, comme celui qu’emploient les souverains dans les allocutions à leur peuple : Nous…, savoir faisons. Mais cet usage est inconnu dans l’Écriture et dans la Genèse en particulier. Voir la manière dont parle Pharaon, chapitre 41, versets 41 à 44.

Il y a ici comme un retour à la forme plurielle du nom Elohim. Mais il ne suffit pas pour expliquer ce fait de rappeler la richesse des perfections divines, car ces perfections ne peuvent être personnifiées comme se parlant les unes aux autres. Le sens le plus simple serait que Dieu se parle à lui-même, ce qui en effet ne peut se faire à l’impératif qu’en employant la première personne du pluriel. Mais cette explication ne suffit pas pour rendre compte du mot notre deux fois répété dans les mots suivants et il nous paraît que l’explication seule naturelle, en tant que ressortant du livre lui-même, c’est d’appliquer cette première personne du pluriel à l’Éternel et à son instrument dans toutes ses œuvres accomplies dans le monde visible, l’Ange de l’Éternel, dont il est parlé plusieurs fois dans le livre de la Genèse et quelquefois dans les autres livres de l’Ancien Testament. Voir à Genèse 31.47.

Cet être mystérieux est constamment envisagé à la fois comme un avec l’Éternel et comme distinct de lui. Comme agent de l’Éternel dans ses manifestations visibles, il est tout naturellement appelé à prendre part à la création de l’homme. C’est la même pensée que saint Jean exprime dans ces mots : Au commencement était la Parole… ; toutes choses ont été faites par elle.

L’homme. Le mot Adam désigne ici l’espèce tout entière comme renfermée dans son premier représentant. L’origine de ce nom est expliquée de différentes manières. La plupart le mettent en rapport avec le substantif adama (le sol), mot que l’on fait dériver soit de adâm, être rouge, soit d’une racine arabe qui signifie joindre, en ce sens que la superficie du sol forme une couverture étroitement unie au corps de la terre.

Dans le premier cas, L’homme serait appelé ainsi à cause de la couleur de son corps ; dans le second, en tant que tiré du sol qui recouvre la terre. Dans les deux cas, ce mot rappelle son humble origine, ce qui est conforme à l’esprit des Hébreux, d’après lequel le plus élevé des êtres terrestres n’est que poussière en face de Dieu. Comparez Genèse 3.19.

À notre image, selon notre ressemblance. Littéralement : Selon notre image, comme une ressemblance (un portrait) de nous. Le premier terme (tsélem) signifie proprement ombre, d’où contour, esquisse ; il désigne plutôt le modèle, tandis que le second paraît plutôt désigner la copie.

La réunion de ces deux termes accentue à la fois la ressemblance (à l’image) et la différence (un portrait) : Au verset 27, le mot image est seul relevé. Voir au verset 3 pour le changement des prépositions.

Le pluriel notre prouve que l’homme est dans cette relation avec les deux êtres divins renfermés dans le sujet de faisons.

Plusieurs ont trouvé l’explication de l’image de Dieu chez l’homme dans les paroles suivantes, où l’homme est installé comme souverain de la terre et par là comme dépositaire ici-bas de la souveraineté divine.

Mais cette relation de l’homme avec la terre n’est que l’effet de sa relation avec Dieu exprimée par le mot : à notre image et ne peut servir à expliquer cette relation elle-même. D’autres ont pensé à la majesté empreinte sur la figure et dans toute la forme de la personne humaine. Mais le corps de l’homme est ce par quoi il diffère de Dieu plutôt que ce par quoi il lui ressemble.

Le trait de beauté physique qui distingue l’homme est un effet de sa ressemblance morale avec Dieu. C’est évidemment dans celle-ci qu’il faut chercher la vraie notion de l’image de Dieu dans l’homme. Elle consiste dans la possession de la personnalité, privilège qui a pour essence la volonté libre, disposant d’elle-même et qui suppose à la fois l’intelligence capable de distinguer les partis à prendre et le sens moral, indicateur de celui qu’il faut choisir. C’est par là que l’homme peut arriver à la sainteté, l’identité avec le bien, qui est le trait fondamental de l’essence divine.

Cette image, l’homme ne l’a pas perdue par le péché, car même dans son état de chute il reste toujours une personnalité libre, capable d’aspirer au bien ; comparez Genèse 5.1 ; Genèse 9.6 ; 1 Corinthiens 11.7 ; Jacques 3.9. Mais elle a été altérée en ce sens qu’un penchant opposé à l’amour du bien s’impose à l’homme comme une puissance qui le domine ; voilà pourquoi saint Paul dit (Éphésiens 4.24) que le fidèle est renouvelé selon l’image de celui qui l’a créé ; sa volonté libre tend de nouveau au bien.

De ce caractère de personnalité libre et intelligente accordé à l’homme résultent et la noblesse imposante de sa figure et la domination qu’il exerce sur les animaux et sur le monde.

Qu’ils dominent. Dieu voit déjà dans l’individu toute la race ; de là ce pluriel. L’homme dominera aussi bien sur l’œuvre du cinquième que sur celle du sixième jour.

Sur toute la terre. C’est ici une expression abrégée pour dire : tous les animaux de la terre. On a supposé que le mot : les animaux, avait été omis par une erreur de copiste, mais déjà les traducteurs alexandrins ne le lisaient pas dans leur texte. C’est cette parole de la Genèse qui a inspiré le psalmiste dans l’hymne du Psaume 8 ; comparez versets 7 à 9.

Genèse 1.27 (note)

Et Dieu créa. Le mot créer revient ici pour la troisième fois. Il avait été employé d’abord pour désigner la création de la matière (verset 1), puis celle de la vie (verset 24) ; il est répété ici pour désigner l’origine de la liberté. L’apparition de l’être, l’apparition de l’être vivant et l’apparition de l’être vivant et libre, sont en effet les trois stages marquants dans le développement du monde, les trois commencements complètement nouveaux, dont les deux derniers rompent radicalement avec l’évolution antérieure et qui exigent une communication nouvelle provenant d’une source supérieure (l’Esprit divin, verset 2).

Le mot créa est employé trois fois dans ce seul verset, parce que c’est ici la communication suprême venant d’en-haut. La première fois le verbe est à l’imparfait (hébreu), créa ; les deux autres fois il est au parfait, a créé, pour indiquer que l’état ainsi inauguré demeure.

Les trois propositions ont la solennité du rythme poétique. On peut supposer que c’est ici une réflexion de l’auteur sur la gravité du fait raconté : Oui, il l’a créé… On sent en tout cas, par la répétition, que l’auteur est ému de la grandeur du fait qu’il exprime : Voilà enfin l’être capable de représenter l’auteur invisible de toute cette œuvre, de connaître sa pensée et de réaliser sa volonté !

Dans la première proposition, le mot saillant est créa ; dans la seconde, c’est le régime : à l’image de Dieu ; dans la troisième, l’auteur fait ressortir la distinction des sexes.

Nous voyons par cette dernière proposition que la femme est créée à l’image de Dieu aussi bien que l’homme ; c’est sans doute grâce à cette idée que la femme occupait en Israël une position beaucoup plus élevée que chez les peuples voisins. Dans toute la Bible, la mère est considérée comme devant être respectée par les enfants à l’égal du père. Comparez Exode 20.12 ; Lévitique 19.3.

L’auteur fait ressortir la distinction des sexes, non en ce sens que le premier homme les aurait réunis tous deux en sa personne et qu’ils n’auraient été séparés que plus tard, comme on se l’est souvent figuré, mais comme ayant existé dès l’abord dans deux personnalités distinctes, car il dit : Il les créa et non il le créa. Voir à 2.18 et suivants.

Cette expression, du reste, comme le passage tout entier, suppose la création d’un seul couple ; c’est de ce fait que Jésus tire la loi de la monogamie (Matthieu 19.4) et saint Paul l’idée de l’unité physique et spirituelle de la race humaine (Actes 17.26). Sur l’unité et l’origine de l’humanité, voir à Genèse 2.7.

Genèse 1.28 (note)

Installation de l’homme comme roi de la création (28-30)

verset 28 — Comme les animaux à leur première apparition ont reçu une bénédiction (verset 22), il en est de même de l’homme

Mais cette bénédiction ne porte pas seulement sur l’augmentation de la famille et du peuple, qui est toujours considérée dans l’Ancien Testament comme l’un des plus grands bienfaits temporels ; à cette première faveur de la fécondité, que l’homme partage avec les animaux, s’en ajoute une seconde qui lui est propre : la souveraineté sur tous les autres habitants de la terre. Cette souveraineté est pour le moment toute pacifique ; plus tard, après le déluge (Genèse 9.2), elle se réalisera par la force.

Il est manifeste que le troisième terme : tout animal qui se meut sur la terre, comprend les trois classes créées au sixième jour, comme ayant, en opposition aux oiseaux et aux poissons, ce caractère commun d’habiter la terre avec homme.

Genèse 1.29 (note)

Ces versets se rapportent à la nourriture de l’homme et des animaux après la création et la propagation, l’alimentation.

Plusieurs interprètes ont vu dans ces paroles une limitation des précédentes, comme si Dieu voulait dire à l’homme qu’il lui donne la domination sur les animaux, mais que cette domination ne va pas jusqu’à lui conférer le droit de les mettre à mort pour les faire servir à son alimentation.

Mais les premières paroles du verset 29 : Et Dieu dit, séparent bien nettement ces deux versets de tout ce qui précède et en font un morceau existant pour lui-même. C’est donc une autorisation plutôt qu’une limitation. Dieu autorise l’homme à se nourrir des plantes, qu’il a créées pour lui au troisième jour et lui indique la partie du règne végétal qui est abandonnée aux animaux.

Le but de Dieu en créant les plantes avait été de les faire servir à la nourriture de l’homme et des animaux ; de là le parfait : Je vous ai donné, c’est-à-dire : Je les ai faites (au troisième jour) pour vous les donner (au sixième).

Dieu donne à l’homme les deux dernières espèces de plantes mentionnées au verset 11, c’est-à-dire les légumes et les céréales, puis les fruits. On peut conclure de là que, durant les premiers temps de son existence, l’homme ne devait pas, dans le dessein de Dieu, se nourrir de viande.

Peut-être la chute et l’expulsion du paradis ont-elles amené un changement dans son mode d’existence. Quoi qu’il en soit, Dieu ne donne expressément à l’homme la permission de se nourrir de viande qu’après la révolution du déluge (Genèse 9.3). Les deux passages Genèse 3.21 et Genèse 4.4 ne prouvent pas nécessairement le contraire, car rien ne dit que la chair des animaux dont les peaux servirent à faire des vêtements pour Adam et Ève ait été mangée et les victimes d’Abel furent sans doute brûlées entièrement, comme les holocaustes.

L’expérience de plusieurs peuples prouve que l’homme peut vivre sans viande et l’anatomie elle-même constate que la mâchoire et le tube digestif de l’homme (comme du singe) sont constitués en vue d’une alimentation frugivore.

Genèse 1.30 (note)

Partie du règne végétal assignée aux animaux

Les poissons sont omis comme vivant dans l’eau et le bétail n’est pas nommé, probablement parce qu’il est compris dans l’expression tout animal de la terre. Dieu donne aux animaux toute herbe verte, littéralement toute verdure d’herbe, c’est-à-dire les parties vertes des plantes. Ce terme comprend les deux premières classes renfermées au verset 11 : le gazon et les légumes.

On pourrait assez naturellement penser que par là toute nourriture animale est exclue pour les animaux eux-mêmes. Mais le texte ne le dit pas expressément et le sens de l’expression peut être déterminé simplement par l’opposition à la nourriture de l’homme : à l’homme les fruits, le blé, les légumes ; aux animaux les légumes et le gazon. Ces mots déterminent la destination des plantes relativement aux deux classes d’êtres vivants, mais ils ne disent rien sur les rapports des animaux entre eux.

Puis c’est pour l’homme que Dieu parle et non pour les animaux ; parler de la chair comme nourriture des animaux, soit pour l’autoriser, soit pour l’interdire, aurait donc été pour l’auteur sortir de son sujet.

Si l’on pensait au contraire que le récit a pour but d’exclure chez les animaux eux-mêmes la nourriture animale, alors il y aurait ici un conflit difficilement conciliable avec la science, qui prouve qu’il y a des animaux carnivores de nature et que longtemps avant l’apparition de l’homme les animaux se détruisaient entre eux.

Genèse 1.31 (note)

Ce verset clôt le récit de l’œuvre du sixième jour et des six jours. Et Dieu vit. Cette expression est tirée de l’image de l’ouvrier qui, en contemplant son œuvre, se réjouit de la voir de tous points répondant à sa pensée.

C’était très bon. C’est ici la septième fois qu’intervient le jugement de Dieu sur son œuvre : nous le trouvons une fois au premier jour, deux fois au troisième, une fois au quatrième, une fois au cinquième et deux fois au sixième ; l’auteur l’a omis au second pour la raison indiquée plus haut et peut être aussi pour arriver au nombre sept, qui désigne la perfection.

Maintenant que l’œuvre créatrice est arrivée à son terme et que l’homme, but de la création, a enfin paru, Dieu en contemplant son œuvre, dont toutes les parties correspondent parfaitement les unes aux autres et sont admirablement enchaînées, de manière à tendre toutes au même but, peut affirmer non plus seulement que son œuvre est bonne, mais qu’elle est très bonne.

Le mot bon s’applique à chaque être selon son espèce à la nature et aux animaux en tant qu’appropriés à l’usage de l’homme et à l’homme en tant qu’apte à la communion avec Dieu. Mais ce n’était qu’une bonté initiale, un point de départ parfaitement approprié au développement qui allait commencer et au terme glorieux auquel il devait conduire.

On objectera peut-être qu’il y a dans la création une quantité d’éléments nuisibles qui ne peuvent pas être appelés bons, puisqu’ils ne servent pas au bien de l’homme. Mais rappelons-nous que Dieu conduit l’homme à son bien réel et définitif en faisant son éducation par des dispensations quelque fois sévères ; toutes ces choses qui paraissent mauvaises en elles-mêmes et dans leurs résultats immédiats peuvent donc devenir bonnes par leur résultat définitif, le bien moral de l’homme.

Le but de l’auteur, on déclarant que tout était très bon, est évidemment d’affirmer que Dieu n’est pas l’auteur du mal et de rejeter sur un autre la responsabilité de l’introduction du péché dans le monde.

Genèse 2.1 (note)

Le septième jour (1-4)

Ce verset est le pendant de Genèse 1.3, où a commencé le travail d’arrangement. L’expression leur armée comprend l’armée des cieux, c’est-à-dire les astres et l’armée de la terre, c’est-à-dire la plénitude des êtres qui l’habitent.

Le terme d’armée renferme la notion d’une troupe rangée, d’un ordre parfait. Ce mot répond au terme grec kosmos dans les LXX, qui désigne le monde comme réalisation de l’ordre universel.

Genèse 2.2 (note)

Et Dieu acheva. Au sixième jour, l’œuvre matérielle était complète (verset 1), mais l’œuvre de Dieu ne s’achève pourtant qu’au septième jour ; c’est la bénédiction divine qui clôt la série des actes créateurs, comme l’amen clôt la prière.

Cet achèvement divin consiste en deux actes : il cesse de travailler : le septième jour luit, aucune créature nouvelle ne surgit (verset 2) ; puis (verset 3) Dieu met le sceau à son œuvre en bénissant et sanctifiant le septième jour.

Le mot que nous traduisons par cesser est schabath, d’où est provenu le mot sabbat. Le sens de ce mot par rapport à Dieu n’est pas l’idée d’un repos à prendre après la fatigue du travail, mais celle de la cessation de l’activité créatrice qui va faire place à l’activité simplement conservatrice. Tous les faits constatés prouvent qu’après l’homme aucune créature nouvelle n’est apparue.

Plusieurs interprètes ont donné au mot achever du verset 2 le même sens qu’à celui du verset 1 : achèvement de l’œuvre matérielle ; et pour éviter la contradiction entre les deux parties du verset, ils ont adopté la leçon des LXX, qui lisent dans le premier membre du verset : sixième jour, au lieu de septième. Cela parait plus rationnel, mais, par là même, cette leçon est suspecte d’être une correction. La vraie suite des idées est celle-ci : Dieu clôt l’œuvre en cessant de créer et en bénissant le septième jour et avec lui toute la création.

Genèse 2.4 (note)

Nous croyons devoir rattacher au morceau précédent le verset 4, comme sommaire de tout le récit de la création. Beaucoup d’interprètes en agissent autrement.

Les uns y voient le titre du morceau suivant : Voici ce qui arriva des cieux et de la terre une fois qu’ils eurent été créés, au jour où l’Éternel Dieu eut fait la terre et les cieux.

Cette traduction se heurte d’abord au mot les cieux, car dans ce qui suit, il n’est plus question que de la terre ; il serait bien peu naturel d’expliquer ce mot : les cieux, par l’intervention de Satan au chapitre 3, ou par celle des fils de Dieu au chapitre 6 ; de plus, on est obligé de donner aux deux verbes le sens de parfaits antérieurs : eurent été créés, eut fait, ce qui ne peut se justifier grammaticalement.

Une autre construction consiste à séparer les deux phrases de ce verset en ponctuant après qu’il les eut créés et en rapportant la seconde proposition à ce qui suit : Au jour où l’Éternel Dieu fit une terre et des cieux, toutes les plantes des champs n’étaient pas encore, ce qui exprimerait solennellement une chose qui s’entend d’elle-même, à moins que l’on ne suppose, avec quelques anciens interprètes juifs, qu’il y avait bien quelques plantes, mais non pas toutes, sens qui renferme une absurdité, puisque évidemment avant que Dieu créât il n’existait aucune plante.

Ou bien on pourrait dans cette construction faire aller la proposition subordonnée jusqu’au verset 7, où se trouverait la principale dans ces mots : l’Éternel forma : Au jour où l’Éternel Dieu fit une terre et des cieux et où … car l’Éternel Dieu n’avait pas fait pleuvoir…, toute la face du sol … l’Éternel Dieu forma … Mais il est impossible d’admettre dans un récit dont le style est constamment clair et simple, une construction aussi compliquée.

Un interprète moderne a supposé que cette première proposition était primitivement en tête du chapitre 1 ; ce serait le rédacteur définitif du Pentateuque qui aurait transposé cette formule du commencement du récit à la fin. C’est là une hypothèse arbitraire.

Nous pensons plutôt que l’auteur n’a pas voulu ôter à cette entrée sublime : Au commencement Dieu créa, son caractère unique en y mettant un titre comme au commencement des autres récits et qu’il a préféré le placer comme sommaire à la fin du récit.

Ce qui est procédé, Le mot tholedot littéralement : ce qui est engendré s’applique ici a tous les êtres qui furent tirés, par le travail des six jours, de la matière des cieux et de la terre primitivement créée.

Les mots suivants : au jour où l’Éternel fit une terre et des cieux, résument tout le tableau de la semaine créatrice on affirmant encore une fois, en opposition à toutes les fictions polythéistes, ce fait capital que rien de ce qui existe n’existe en dehors de la volonté et de la puissance divines.

L’Éternel Dieu. Sur le mot Dieu (Elohim) voir à Genèse 1.1, note. L’Éternel, en hébreu Jéhova ou plus exactement Jahvé. Ce mot appartient au verbe hava, ancienne forme de haja, être ; c’est proprement la troisième personne du temps imparfait, qui correspond d’ordinaire en hébreu à notre futur.

Dieu donne lui-même le sens de ce nom quand il s’appelle (Exode 3.14) Ehejé, Je serai, par où il indique qu’il a et aura l’être pour essence. Il se désigne ainsi comme le moi identique avec l’être, c’est-à-dire comme la personnalité absolue.

C’est comme tel qu’il est en rapport particulier avec l’homme, le seul être terrestre qui partage avec lui le caractère de la personnalité, qu’il dirige son développement et qu’il devient dans l’histoire le Dieu du peuple qui sera son agent pour la réalisation de son règne.

Le nom composé l’Éternel Dieu ne se retrouve qu’une fois dans le Pentateuque (Exode 9.30) en dehors des chapitres 2 et 1 de la Genèse et assez rarement dans les autres livres de l’Ancien Testament. Il est destiné à faire ressortir l’identité personnelle du Dieu de la nature, qui vient d’agir comme créateur du monde et du Dieu qui va se manifester désormais comme dirigeant les destinées de l’humanité et spécialement celles du peuple d’Israël.

Il importait à Israël de savoir que Jéhova, son Dieu national, n’était pas seulement l’une d’entre les divinités adorées sur la terre, mais le Dieu unique, créateur et maître de l’univers (Elohim).

Ce n’était qu’à cette condition qu’il pouvait lui vouer une foi absolue et compter sur lui dans toutes ses luttes avec les hommes et avec les choses. C’est dans le même sens que dans le Nouveau Testament Jésus, le chef de l’Église, est présenté en même temps à celle-ci comme le souverain universel : Chef de l’Église qui est son corps, sur toutes choses (Éphésiens 1.22).

Il est manifeste que, par cette union entre les deux noms de Dieu, Elohim et Jéhova, comme en un seul nom, le rédacteur a voulu faire la transition entre le récit qui précède et celui qui suit ; et si, comme cela nous parait vraisemblable. le récit suivant est tiré d’un nouveau document dans lequel Dieu était habituellement. désigné sous le nom de Jéhova, nous comprenons aisément ce qui a porté le rédacteur à joindre dans ce passage, qui est comme le trait d’union entre ses deux sources, ces deux noms de Dieu, de manière à faire bien ressortir qu’il ne s’agit que d’un seul et même être divin.

Une terre et des cieux. Cette forme sert à fermer le récit ouvert par Genèse 1.1 : Au commencement Dieu créa les cieux et la terre.

Conclusion sur le début de Genèse (de 1.1 à 2.4)

Nous commencerons par étudier rapidement les récits des autres peuples anciens qui se rapportent au même sujet que le premier chapitre de la Genèse. Nous rechercherons ensuite quelle a pu être l’origine de ce dernier récit.

D’après le livre des lois de Manou, l’un des monuments les plus anciens de la littérature hindoue, le point de départ de toutes choses est une obscurité sans commencement. Tout à coup l’esprit infini et éternel s’éveille et pénètre cette nuit de ses rayons. Il produit les eaux, dans lesquelles il dépose un germe ; ce germe devient un œuf resplendissant dans lequel naît le dieu Brahma, le premier des êtres. Il y demeure enfermé trois trillions d’années, puis par la puissance de sa pensée, il fend l’œuf en deux moitiés, le ciel et la terre, entre lesquels apparaissent l’atmosphère, les huit sphères célestes et l’intarissable réservoir des eaux. Dès ce moment, il crée incessamment tous les êtres particuliers, dieux, génies, vertus, vices, pêle-mêle avec tous les êtres et objets terrestres.

Dans cette conception, la matière est éternelle aussi bien que l’esprit et Dieu naît de cette matière avant de tirer de soi tous les êtres.

Les Persans, d’après une tradition conservée dans le Bundehesch l’une des parties les plus modernes de leur livre sacré, ne croyaient pas à l’existence d’un chaos primitif. La terre, créée par le dieu bon, Ahura-Mazda, fait d’abord partie du ciel, puis elle tombe dans l’espace. Le dieu bon crée en six périodes le ciel (terrestre), l’eau, la terre, les arbres, le bétail et les hommes. Ces six époques correspondent non aux jours de la semaine, mais aux six saisons de l’année persane. Après chacune de ces œuvres, le dieu bon et ses anges, les Amschaspands, célèbrent un temps de fête et de repos, origine des six fêtes annuelles des Persans. À cette œuvre du dieu bon est mêlée l’œuvre du dieu mauvais. Toute la vie de l’univers doit durer douze mille ans et chacun de ces milliers est sous la domination d’un des douze signes du zodiaque.

On est frappé du rapport entre les six périodes créatrices suivies chacune d’un jour de repos et les six jours de la Genèse aboutissant à un jour de repos final. Mais ce récit diffère de celui de la Bible en ce qu’il oppose l’un à l’autre deux dieux dont les œuvres se contrarient. Cette conception est probablement influencée d’un côté par l’astrologie babylonienne et de l’autre par la tradition sabbatique juive.

La conception grecque nous est présentée sous sa forme la plus ancienne par Hésiode (environ 900 ans avant Jésus-Christ). Le premier des êtres est le Chaos, qui produit la Terre, le Tartare (les profondeurs de la terre) et l’Amour, puis les deux êtres appelés Erèbe et Nuit. Ces deux derniers enfantent à leur tour l’Ether et le Jour. La Terre produit d’elle-même Uranus, le ciel étoilé, demeure des dieux, puis les montagnes et la mer. Fécondée par Uranus, elle enfante le fleuve Océan qui entoure la terre et qui est la source de tous les autres fleuves et les Titans, dont sont procédés Jupiter, les dieux de l’Olympe et les hommes.

Ce récit expose l’origine des dieux en même temps que celle du monde. Nous voyons naître d’abord les forces naturelles divinisées, puis de ces dieux primitifs naissent à leur tour les dieux de l’Olympe adorés par la Grèce. La terre et les hommes ne jouent qu’un rôle secondaire.

Chez les Etrusques, d’après un rapport de Suidas, on pensait que Dieu avait créé le monde en six périodes de mille ans chacune : dans la première, le ciel et la terre ; dans la seconde, le firmament ; dans la troisième, la mer et toutes les eaux de la terre ; dans la quatrième, le soleil, la lune et les étoiles ; dans la cinquième : les animaux de l’air, de l’eau et de la terre ; dans la sixième, les hommes. Les six mille ans que le monde doit subsister encore sont consacrés au développement de la race humaine.

On remarque ici des analogies frappantes avec le premier chapitre de la Genèse ; mais Suidas, qui vivait au dixième siècle après Jésus-Christ, a pu facilement modifier les anciennes traditions étrusques sous une influence juive ou chrétienne.

Des conceptions des peuples aryens, passons à celles des peuples chamitiques.

Les Égyptiens croyaient à l’existence d’une matière éternelle, les eaux primitives, comme principe universel. Le dieu Atum existait seul à côté de ce principe chaotique ; il créa le firmament, réservoir des eaux célestes. Des eaux inférieures sortit un œuf, d’où procéda sous la forme d’un petit enfant le dieu Ra (dieu du soleil). Celui-ci amena dans le monde la lumière et la vie ; c’est de lui que furent formés tous les autres dieux, puis par sa chaleur il fit naître de la terre les animaux de l’air, de la terre et de l’eau.

Nous retrouvons ici, comme chez les Hindous, l’existence éternelle de la matière à côté de l’esprit et l’explication de la naissance des dieux en même temps que de celle du monde. Seulement on est frappé de voir la matière dont ont été formés les astres désignée par le nom d’eaux célestes.

Les traditions des Phéniciens sur le sujet qui nous occupe se sont fixées sous des formes diverses ; l’une des plus anciennes est celle qui nous a été conservée par leur écrivain Sanchoniaton qui, selon toute probabilité, vivait vers le dixième siècle avant Jésus-Christ. D’après cette tradition, les Phéniciens se représentaient deux principes premiers, éternels et illimités, l’esprit ou le souffle et le sombre chaos (Bahou, le Bohou des Hébreux). De leur union naquit la matière animée, une boue renfermant les semences de toutes choses. Celle-ci prit la forme d’un œuf qui se fendit de manière à former le ciel et la terre. Dans le ciel d’abord, la matière première engendra le soleil, la lune, les étoiles et les constellations, qui devinrent bientôt des êtres conscients et prirent le nom de gardiens du ciel. À la suite l’air mis en mouvement et la terre réchauffée par l’action du soleil donnèrent naissance aux vents, aux nuages, aux pluies abondantes d’eaux célestes, au tonnerre et aux éclairs. Les éclats du tonnerre réveillèrent les êtres animés mâles et femelles dont les germes se trouvaient dans le sol et dans la mer.

À côté d’une tendance dualiste et émanatiste bien caractérisée, on reconnaît dans cette conception quelques traits qui rappellent le tableau de la Genèse.

Mais de toutes ces conceptions des peuples anciens, c’est celle des Chaldéens qui a le plus de titres à notre attention ; car les Chaldéens, comme les Israélites, appartenaient à la race sémitique et c’est même de leur sein qu’est sorti le père de la famille élue. Nous en avons une première recension bien imparfaite dans quelques fragments de Bérose, historien chaldéen de la fin du quatrième siècle avant Jésus-Christ. D’après lui, l’univers était primitivement une masse liquide et ténébreuse, habitée par des êtres monstrueux sur lesquels dominait une femme, Homorka, en chaldéen Thalatt, la Thalassa (mer) des Grecs. À un moment donné, Bel, le dieu suprême, intervint et coupa la femme en deux parties, dont il forma le ciel et la terre, tandis que les monstres primitifs disparaissaient devant la lumière, qu’ils ne pouvaient supporter. Il fit ensuite le soleil, la lune et les cinq planètes, puis voyant le sol inhabité et cependant fertile, il se fit couper la tète par les dieux inférieurs qui, de son sang mêlé à la terre, formèrent les hommes et les animaux capables de supporter la lumière.

Pendant longtemps on n’a connu la tradition chaldéenne que sous cette forme, mais des découvertes récentes ont jeté un jour tout nouveau sur ce sujet. Il y a quelques années, on a retrouvé dans les ruines de Ninive toute une bibliothèque ayant appartenu au roi Assurbanipal, le Sardanapale des Grecs (670 environ avant Jésus-Christ). Parmi ces dix mille briques couvertes d’inscriptions cunéiformes se trouvaient quelques tablettes racontant la création ; or ces tablettes ne sont que la copie d’une rédaction plus ancienne faite à Babylone et que les savants croient pouvoir faire remonter à une époque contemporaine d’Abraham. Trois seulement d’entre elles sont assez bien conservées pour qu’on puisse en comprendre le sens : ce sont la première, la cinquième et probablement la septième. Voici les passages essentiels des morceaux qui ont pu être déchiffrés.

Première tablette :

Au temps où en-haut le ciel n’annonçait pas encore et où en-bas la terre ne nommait pas encore un nom, car l’abîme sans limites fut leur premier générateur et la mer agitée celle qui enfanta leur ensemble, alors leurs eaux s’embrassèrent et s’unirent. Mais l’obscurité n’était pas encore enlevée ; aucun rejeton n’avait poussé. Au temps où aucun des dieux n’avait encore surgi, où ils n’étaient pas encore désignés par un nom et n’avaient pas encore fixé les destinées, alors les grands dieux furent formés ; les dieux Lachmou et Lachamou apparurent et grandirent… ; puis furent formés les dieux Sar et Kisar. Les jours s’étendirent…

Cinquième tablette, correspondant au quatrième jour de la Genèse hébraïque :

Il arrangea magnifiquement les demeures des grands dieux (soleil et planètes) ; il fit également apparaître les étoiles. Il régla l’année et institua pour elle les décades ; il assigna trois étoiles à chaque mois (sans doute une pour chaque décade). Il détermina les mansions des planètes… Il fit briller Nannar (la lune) pour régner sur la nuit.

Septième (?) tablette :

Quand les dieux tous ensemble créèrent… ils formèrent excellemment les arbres puissants, ils firent surgir des êtres vivants…, le bétail des champs, les grands animaux des champs et les reptiles des champs… Le dieu à l’œil clairvoyant les associa en un couple… L’ensemble des bêtes rampantes se mit en mouvement.

C’est évidemment ce dernier récit qui présente les analogies les plus frappantes avec le tableau de la Genèse biblique ; chaque lecteur les aura remarquées sans peine. Mais les différences qui les distinguent n’en sont que plus manifestes dans le récit chaldéen, le principe de toutes choses est la matière éternelle ; elle est le principe de l’existence même des dieux, qui en naissent spontanément par paires ; après cela il est naturel que le polythéisme le plus complet domine tout le récit.

Après cette revue, la question qui se pose quant au récit de la Genèse biblique est de savoir s’il est simplement le produit de l’observation et de la réflexion humaines, ou s’il est dû à une révélation divine.

On allègue en faveur de la première explication, d’abord, les erreurs que l’on croit trouver dans ce récit, puis la corrélation réfléchie qui paraît exister entre les deux parties de la semaine créatrice (voir notes sur Genèse 1.14-19). Mais, comme nous l’avons vu, il n’y aurait d’erreur formelle que si l’auteur prétendait nous donner un cours scientifique de géologie et de paléontologie ; au lieu de cela, ce ne sont que les phases saillantes qui ont trouvé place dans ce tableau. À ce point de vue, le récit nous paraît inattaquable. La correspondance entre la première et la seconde moitié de la semaine n’est pas un argument valable contre la vérité historique du récit, puisqu’elle peut être l’expression du plan réellement suivi dans l’œuvre elle-même.

Il nous paraît d’autre part que la grandeur et la fermeté de l’intuition monothéiste qui pénètre tout ce récit lui impriment le caractère d’une révélation divine. Il suffit pour le sentir de le comparer avec les légendes analogues des autres peuples que nous venons d’exposer.

Aucun lecteur moderne ne pourrait prendre au sérieux les fantasmagories mythiques dont elles sont remplies, tandis que le récit de la Genèse laisse chez tout lecteur, laïque ou savant, une impression d’admiration et de respect. Il repose évidemment sur la même révélation monothéiste qui est à la base de toute l’histoire israélite. Aux trois traits particuliers que nous avons déjà fait ressortir (Dieu a tout créé, il a tout créé conformément à sa volonté, il a tout créé en vue de l’homme) nous ajoutons encore l’institution divine du sabbat.

Faut-il en rester là et n’appliquer l’action révélatrice qu’aux vérités religieuses, sans l’étendre au cadre extérieur du récit ? C’est là l’opinion qui parait devenir aujourd’hui de plus en plus dominante.

Cependant nous nous demandons si les vérités religieuses contenues dans ce tableau ont pu être révélées d’une manière purement abstraite et si, pour pénétrer dans la conscience de ceux à qui elles étaient communiquées, elles n’ont pas dû revêtir une forme plastique et saisissable précisément telle que celle que nous trouvons dans ce récit.

Puis nous doutons qu’un auteur animé d’un sentiment d’adoration aussi profond se fût permis d’attribuer à Dieu un rôle de sa propre invention dans une scène de nature historique.

De plus, le ton d’autorité, avec lequel il raconte chaque ordre divin et son résultat, nous parait impliquer une certitude dont nous ne pouvons nous rendre compte si tout ce récit n’est qu’une simple supposition de sa part.

Ajoutons que la supériorité de notre récit sur les légendes des peuples anciens ne porte pas seulement sur le côté religieux, mais aussi sur les détails extérieurs de la narration. Le tableau de la Genèse est le seul qui ait été pris en considération par les hommes de science et qui puisse sérieusement affronter l’examen ; nous rappelons seulement ici l’apparition de la lumière et de la végétation avant celle du soleil, faits auxquels la science rend hommage à cette heure. Ces faits nous paraissent conduire à faire porter la communication divine sur la totalité du tableau.

Si nous nous représentons un père au courant de toutes les découvertes scientifiques actuelles et cherchant à les résumer pour son enfant dans le but de conduire son âme à l’adoration, nous ne nous figurerons pas son récit très différent de celui que nous venons d’étudier.

Quand et comment a pu avoir lieu cette communication d’en-haut ? En cherchant à répondre à cette question, nous déclarons dès l’abord que nous sommes ici en face d’un fait sur lequel nous ne pouvons présenter que des suppositions.

Plusieurs pensent que la révélation contenue dans ce chapitre a été accordée à Adam lorsque Dieu s’approchait de lui et s’entretenait avec lui dans le paradis comme un père avec son enfant. Cette supposition s’accorderait bien avec le caractère simple et sobre du récit. On a objecté qu’Adam, au premier moment de son existence, était trop peu développé pour se poser des questions de ce genre. Nous ne sommes pas en état d’en juger. Quoi qu’il en soit, si l’on nie que Dieu se soit révélé à Adam, il faut nier la réalité du commandement qui a été l’occasion de la chute, ainsi que celle des sentences prononcées à la suite de la désobéissance.

Du reste, lorsque plus tard Dieu se communique à Noé et à Abraham, c’est comme un être déjà connu, ce qui suppose une révélation antérieure et primitive. Si l’on croit qu’une telle révélation ne pouvait répondre qu’aux besoins d’une humanité déjà plus développée rien n’empêche de penser que l’un des patriarches entre Adam et le déluge aurait été jugé digne d’une pareille communication, celui en particulier qui vécut avec Dieu dans une intime communion et qui fut élevé de cette vie dans celle du ciel sans passer par la mort.

Cette révélation, accordée soit à Adam, soit à l’un des patriarches antérieurs au déluge, aura été transmise par les fils de Noé à tous les peuples, chez qui elle s’est conservée partiellement, mais troublée par l’influence du polythéisme.

Telle serait l’origine des éléments de vérité qui se rencontrent dans les récits que nous avons cités. Cette tradition, conservée oralement dans la famille de Sem et d’Abraham, aura pu se charger, en passant de bouche en bouche, d’éléments humains, quoique dans une moindre mesure que chez les peuples polythéistes et Dieu, au moment où il accordait à Moïse la grande révélation du Sinaï, qui devait servir de base à l’histoire de son peuple, lui aura rendu la connaissance de l’œuvre créatrice dans sa pureté. Peut-être aura-t-il employé pour cela le mode de la vision prophétique, qui peut s’appliquer au passé comme à l’avenir.

Une révélation de ce genre se comprend mieux en effet sous la forme de tableaux successifs que sous celle d’une inspiration purement spirituelle. S’il en est ainsi, ce serait Moïse qui le premier aurait mis ce récit par écrit. Dans tous les cas, ce chapitre a un caractère tout spécial et l’on peut aisément penser qu’il existait comme document particulier avant d’être placé en tête d’une histoire plus générale.

II) 2.5 à 3.24 — Le séjour dans le paradis et la chute

Le morceau dont nous abordons maintenant l’étude est l’un des plus importants de l’Écriture sainte. De la manière dont nous le comprenons résulte pour une grande part l’idée que nous nous faisons de plusieurs des points qui sont à la base de la doctrine chrétienne, l’origine et la nature du péché, le degré de sa culpabilité et la rédemption qu’il nécessite.

Bon nombre de philosophes et même de théologiens ont prétendu que le tableau de l’état primitif de l’humanité, tel qu’il ressort de notre récit, est incompatible avec les faits et les lois de l’histoire ; ils n’y ont vu qu’un mythe analogue à ceux des autres peuples anciens, un essai tout humain d’expliquer l’introduction dans le monde du mal physique et moral. Selon eux, le développement de l’humanité suit une marche constamment ascendante de l’état d’animalité au degré le plus élevé de la religion et de la civilisation et ce que la Bible présente comme une chute ne peut avoir été qu’un progrès. Nous aurons à examiner si les faits confirment cette théorie et si l’état barbare et fétichiste des peuples sauvages, que l’on identifie avec l’état primitif de l’humanité, n’est pas réellement, comme le fait comprendre l’Écriture, le résultat d’une décadence, de la perte d’un état primitif tel que celui que décrit le récit que nous allons étudier.

Le séjour dans le paradis (2.5-25)

Avec ce morceau nous entrons dans le domaine de la tradition ; car l’homme est dès ce moment témoin et acteur d’une partie des faits racontés. L’histoire commence et se superpose à la nature, maintenant achevée ; voilà pourquoi le récit de la création de l’homme est repris à nouveau.

Au chapitre 1, l’homme avait été considéré comme appartenant à l’ensemble de la nature dont il forme le couronnement ; ici il apparaît comme sujet de l’histoire, dans laquelle sa propre activité se combine incessamment avec l’action divine. Aussi le fait de sa création n’avait-il été raconté que sommairement au chapitre 1, tandis qu’il est maintenant repris en détail, soit quant à la formation de l’homme lui-même, soit quant à celle de la femme ; car c’est de cette distinction des sexes que dépend le développement de la race et par conséquent celui de l’histoire.

Tout semble prouver que le récit qui va suivre a été emprunté à une autre source que le précédent ; le terme d’Elohim pour désigner Dieu fait place à celui de Jéhova (sur l’expression Jéhova-Elohim, voir précédemment) ; le récit prend un caractère moins solennel et plus simplement narratif et les mêmes idées sont exprimées par d’autres expressions et d’autres tournures de phrase.

On peut donc se demander si son contenu n’est point parallèle à celui du chapitre 1, en d’autres termes si nous n’avons pas ici un second récit du fait de la création. S’il en était ainsi, il faudrait reconnaître une contradiction flagrante entre les deux narrations : là, une création graduée qui va des plantes aux animaux et des animaux à l’homme ; ici, absence totale de plantes avant l’homme et la création des végétaux et des animaux succédant à celle de l’homme. Mais si c’est bien là le sens de ces deux récits, comment s’expliquer le procédé du rédacteur de la Genèse, qui les reproduit successivement tous les deux malgré cette contradiction qu’il ne pouvait manquer de discerner aussi bien que nous ?

Si nous ne voulons pas faire une injure gratuite à son intelligence, nous devons supposer qu’il entrevoyait une solution de cette contradiction apparente et nous ne serons que justes en la cherchant.

Elle ne nous parait pas si difficile à trouver : le chapitre 1 avait en vue le monde dans son ensemble ; le chapitre 2 s’occupe spécialement de l’homme et nous place par conséquent dans la contrée particulière où il habita dès le commencement et où se trouvait le jardin appelé paradis. Il nous fait connaître l’état des choses tel qu’il existait au moment et dans le lieu où l’homme ouvrit pour la première fois les yeux à la lumière : c’était une contrée privée de végétation, avec un ciel sans nuages et sans pluie ; seulement une vapeur répandue sur la terre humectait le sol. Le paradis seul, un jardin rempli d’arbres et arrosé par un fleuve, faisait exception.

Tel fut le milieu dans lequel l’homme arriva à l’existence et prit connaissance de lui-même et du monde. C’est le souvenir qu’il a transmis à ses descendants par une tradition dont nous avons ici la rédaction.

S’il en est ainsi, ce récit nous place au sixième jour du chapitre 1, immédiatement avant la création de l’homme ; et nous devons supposer que le document d’où il a été tiré possédait aussi un récit de la création parallèle à celui du chapitre 1, mais que le rédacteur de la Genèse aura supprimé pour ne pas faire double emploi, tout en rappelant dans ce qui suit quelques traits.

Il est bien évident, en effet, que la narration ne pouvait commencer dans ce récit par notre verset 5. Pour la création des animaux, voir au verset 19.

Genèse 2.5 (note)

La création de l’homme (5-7)

Il résulte de notre explication du verset 4 que le verset 5 commence une phrase nouvelle.

Aucun arbrisseau des champs. Le mot hébreu siach signifie arbrisseau et non plante, comme on l’a quelquefois traduit. Comparez Genèse 21.15 ; Job 30.4 et Job 30.7.

Aucune herbe des champs : légumes, céréales ; le mot hébreu (ésev) est le même qui est employé au chapitre 1. Le récit n’exclut pas le gazon, la verdure du sol (désché), mais seulement les plantes pour lesquelles la main de l’homme est nécessaire et les arbres.

Cette stérilité avait deux causes : le manque de pluie d’une part (l’Éternel Dieu n’avait pas fait pleuvoir) et de l’autre l’absence du travail humain (il n’y avait pas d’homme… ).

On ne comprend bien la liaison de ces deux causes, en apparence complètement hétérogènes, que si l’on rapporte la seconde à l’absence de canaux d’irrigation que l’homme seul peut établir et qui sont indispensables pour remplacer la pluie dans un pays très chaud et habituellement privé de l’eau du ciel. Que serait, par exemple, l’Égypte, le pays le plus fertile du monde, si l’homme n’était pas là pour suppléer par la canalisation du Nil à l’absence complète de pluie ? Son sol deviendrait nu comme celui de la contrée dans laquelle était situé le paradis.